Les propos du blogueur d'Outremont Pierre Lacerte ont choqué les Rosenberg et Alex Werzberger, trois membres influents de la communauté hassidique. Mais il n'y a pas eu de harcèlement ni de diffamation à leur égard. Les propos de M. Lacerte étaient vrais.

C'est ce qui se dégage du jugement de 108 pages rendu cette semaine par le juge Claude Dallaire, qui a rejeté la poursuite en diffamation intentée  contre M. Lacerte, un citoyen d'Outremont, qui a exercé le métier de journaliste.

Michael Rosenberg, président de Rosdev, une entreprise internationale en immobilier, son fils Martin, qui en est le vice-président, de même que Alex Werzberger, homme d'affaires  prospère et porte-parole de la communauté hassidique d'Outremont, cherchaient à faire taire M. Lacerte sur certains propos qu'ils jugeaient diffamatoires et lui réclamaient 375 000 $ en dommages. 

M. Lacerte, qui se disait injustement poursuivi par ce qu'il décrivait comme une poursuite bâillon, réclamait lui aussi des dommages en retour. Le juge ne lui en accorde pas. «Il ne fait aucun doute que par le dépôt de leur recours, les demandeurs souhaitaient en partie bâillonner le défendeur. Toutefois, les allégations de leur action ne démontrent pas que c'était là leur unique objectif», signale le magistrat. 

Chaque partie est quitte pour payer ses frais. Dans cette affaire, c'est Me Julius Gray qui représentait les demandeurs, tandis que Pierre Lacerte était représenté par Me Rosalia Giarratano. 

Voisinage

Ce litige, qui a pris une grande ampleur et s'est même retrouvé en Cour criminelle à un certain moment, provient d'une querelle de voisinage. Pierre Lacerte demeure sur la rue Hutchinson depuis 1984. Mais ce n'est qu'à partir de 2003, qu'il dit avoir commencé à remarquer des activités dérangeantes provenant de la synagogue, située en face, au 5253 rue Hutchinson. Il a noté une grande circulation d'automobiles, des entorses répétées aux règlements de stationnement, ainsi que des travaux parfois effectués sans permis. M. Lacerte a fait part de son mécontentement à certaines personnes de la communauté, mais cela n'a rien changé. Il soutenait avoir même subi de l'intimidation par la suite. 

Il a avisé des inspecteurs de la ville, puis la police, mais il a senti qu'il y avait un malaise. «Étant partisan de l'application uniforme de la loi peu importe les croyances religieuses», lit-on dans le jugement, M. Lacerte a commencé à se poser des questions sur les liens qu'entretenaient des élus d'Outremont avec la communauté hassidique.

«Un gros morceau» 

En 2006, M. Lacerte apprend que celui qu'il voit souvent se stationner en double devant chez lui et superviser les travaux à la synagogue est Michael Rosenberg. Il sait que c'est un homme riche et puissant, «un gros morceau.» 

M. Lacerte s'implique en politique municipale à partir de 2007. Il demande la destitution de Michael Rosenberg de la Commission consultative permanente sur les relations intercommunautaires d'Outremont, au motif qu'il contrevient aux règlements municipaux. Ça ne fonctionne pas.

En 2007, M. Lacerte présente un mémoire à la Commission Bouchard-Taylor. Il est partisan d'une loi pour tous, et trouve que les autorités des trois paliers de gouvernement font preuve de laxisme en répondant aux diktats religieux de la communauté hassidique. Il fonde un blogue et y diffuse des chroniques, souvent accompagnées de photomontages et de caricatures, qui mettent parfois en vedette les Rosenberg, ou M. Werzberger. Les Rosenberg intentent leur action en 2008. 

Au procès, 314 chroniques ont été portées à l'attention du juge. Après un élagage, en fin de procès, ce sont 95 textes que les Rosenberg demandaient d'enlever du blogue et pour lesquels ils voulaient être indemnisés. Le juge a refusé. Rappelons qu'à la suite d'une plainte de Michael Rosenberg, M. Lacerte s'était retrouvé en Cour du Québec. Au terme du processus, la juge Manon Ouimet avait refusé de lui imposer une ordonnance de garder la paix, comme l'auraient voulu les Rosenberg. Ces derniers affirmaient être harcelés depuis 2005 par M. Lacerte, et disaient craindre pour leur sécurité.