Denis Despelteau, ancien policier de haut rang de la Sûreté du Québec (SQ) aujourd'hui consultant en relations de travail, qui serait impliqué dans une nébuleuse affaire de détournement de fonds secrets de la police provinciale, a été inculpé hier, puis libéré.

Le sexagénaire est le premier domino à tomber dans ce dossier, qui ébranle les murs de la SQ. De sources policières, l'enquête pourrait connaître d'autres développements spectaculaires et remonter jusqu'au niveau politique de l'ex-gouvernement.

Denis Despelteau, qui en a longtemps mené large à la SQ en raison de ses appuis, jouait hier au chat et à la souris dans les couloirs du palais de justice pour échapper aux caméras. Sourire crispé, il n'a pas voulu commenter les accusations auxquelles il devra répondre.

Quatre accusations ont été déposées contre lui: abus de confiance, fraude et vol de plus de 5000$ au détriment du gouvernement et de la SQ, ainsi que fabrication de faux documents. Les faits se seraient déroulés en 2011 et en 2012.

Il doit respecter plusieurs conditions, dont un engagement sans dépôt de 500$, ne pas communiquer avec plusieurs personnes - dont plusieurs ex-collègues qui font aussi l'objet d'une enquête ainsi que le secrétariat du Conseil du Trésor -, rendre son passeport et demeurer au Canada.

M. Despelteau a été arrêté lundi dans le cadre de l'enquête sur des présumés abus de confiance et détournements de fonds secrets à la SQ. Il a été interrogé toute la journée et détenu jusqu'à hier.

Plusieurs personnes dans la ligne de mire des autorités

Au moins trois autres ex-policiers de haut rang sont dans la ligne de mire de l'équipe spéciale d'ex-membres de la SQ, du Service de police de la Ville de Montréal et de la Gendarmerie royale du Canada mandatée en décembre 2012 par le ministre Stéphane Bergeron pour faire la lumière sur ce dossier.

Il s'agit de Richard Deschenes, patron de la SQ évincé de son fauteuil en octobre dernier, avant le terme de son mandat, de Steven Chabot, ex-grand patron des enquêtes criminelles aujourd'hui à la retraite, et de Jean Audette, qui l'a remplacé en 2010.

Despelteau ne peut plus communiquer avec eux, ni avec Regis Falardeau - «déplacé» à la sécurité de Loto-Québec -, ni avec Alfred Tremblay, ex-inspecteur-chef.

Selon des informations obtenues par La Presse l'hiver dernier, le fonds secret destiné à payer des collaborateurs de police ou à financer des opérations spéciales dans le domaine des stupéfiants aurait été détourné, notamment pour rémunérer clandestinement leur ex-collègue.

Ayant d'importants démêlés avec le fisc québécois, M. Despelteau, qui avait la confiance de l'ex-ministre Jacques Dupuis, ne pouvait pas être, de ce fait, un «fournisseur» officiel du gouvernement. Revenu Québec lui réclame 168 241$. Il a récemment déclaré faillite, comme il l'avait déjà fait en 2007 à la suite d'une réclamation de Revenu Québec pour 234 715$ en impôts impayés. Il aurait aussi des problèmes de jeu. Autant de déboires connus au quartier général de la rue Parthenais.

En ce qui concerne le fameux «fonds d'opérations spéciales», toute dépense supérieure à 5000$ doit désormais être approuvée par le nouveau grand patron de la SQ, Mario Laprise.

- Avec la collaboration de Daniel Lessard et de Daniel Renaud