Il y a deux mois, le ministre de la Justice Bertrand St-Arnaud réclamait des informations sur une facture d'avocat de 84 000$ payée par le Tribunal administratif du Québec (TAQ) pour la défense d'un de ses membres. Il ne peut davantage expliquer cette dépense aujourd'hui, mais la facture atteint désormais 144 794,08$.

La présidente du TAQ, Hélène de Kovachich, témoigne aujourd'hui devant la Commission parlementaire sur l'administration publique, convoquée pour établir le chemin parcouru depuis le constat préoccupant qu'a livré l'an dernier le vérificateur général du Québec sur sa gestion. Les présidents d'organismes sont, tour à tour, invités à venir défendre leur gestion à la lumière des observations faites par le vérificateur.

En mai 2012, dans son rapport, le Vérificateur estimait que le TAQ éprouvait de graves problèmes de gestion. On traitait de moins en moins de causes, les dossiers s'empilaient et les retards devenaient inacceptables, selon lui. La performance du TAQ «s'est détériorée au cours des dernières années et ses systèmes de gestion ne favorisent pas l'efficience», soutenait le vérificateur Michel Samson.

Mais le dossier du Tribunal administratif du Québec comporte, pour le gouvernement Marois, des inconnues importantes. Responsable des dépenses de son ministère et de tous les organismes qui dépendent de lui, M. St-Arnaud a eu beau insister publiquement auprès de Mme de Kovachich pour connaître les raisons de cette dépense, auprès de Me Luce Gayrard, une spécialiste en droit familial, sa demande est restée lettre morte. Une demande d'accès à l'information faite par La Presse a révélé que la facture, qui était de 84 000$ lors de la défense des crédits, en début d'année, est désormais à 144 000$.

Le TAQ, dans sa réponse, explique que le dossier de Me Gayrard est visé par des ordonnances de «huis clos, anonymat, non-publication et scellé». Des sources confient qu'il y a une forte présomption que la cause, payée par les fonds publics, concernait Me de Kovachich elle-même.

Situation exceptionnelle

Dans une longue lettre transmise à tous ses membres, l'Association des juges administratifs cite un avis de Me Jean François Munn, un autre avocat qui a reçu un mandat du TAQ, qui précisait que le remboursement des dépenses d'avocat d'un membre «est exceptionnel», et n'est possible que lorsque le juge doit défendre «véritablement et uniquement» sa fonction. Interpellés à titre de simples citoyens, les juges «doivent assumer les honoraires de leurs procureurs, comme tout justiciable». Pour être payée par les fonds publics, la cause doit remettre en question la capacité du juge «à occuper sa fonction de juge».

Un autre dossier, au criminel, a touché, clairement celui-là, la présidente du TAQ. Son ex-mari, Me Robert Charlton, un associé principal du prestigieux bureau d'avocats Norton Rose, a été accusé de harcèlement criminel et d'extorsion, à la fin de 2012, au palais de justice de Montréal.

Mme de Kovachich est la victime présumée, puisque, dans ses directives, le juge ordonne que Me Charlton, pour conserver sa liberté, ne communique pas avec Mme de Kovachich.