À la lumière de l'affaire Patrick Lagacé, le ministre fédéral de la Sécurité publique Ralph Goodale se dit « certainement prêt à avoir une discussion de politique sérieuse » et « à entendre les représentations » des médias sur la façon dont les forces policières devraient concilier leurs enquêtes avec la protection des sources journalistiques et la liberté de presse.

Le ministre Goodale, qui n'a pas voulu commenter le cas de Patrick Lagacé mais qui se dit « profondément préoccupé par ce genre de dossier », s'assurera prochainement auprès du commissaire de la GRC Bob Paulson que les directives fédérales en vigueur sont respectées dans les faits. Depuis 2003, une directive ministérielle demande aux forces policières de porter une « attention spéciale » au statut des médias dans le cadre d'enquêtes sur la sécurité nationale. « Au regard de ce dossier au Québec, qui est sous juridiction provinciale, c'est une question qui doit être posée [à la GRC]. Je n'ai pas encore eu l'occasion de le faire [hier], mais je le ferai [prochainement]. C'est une question juste de demander [à la GRC] de s'assurer que la directive ministérielle qui requiert un très haut standard soit appliquée dans les faits », dit le ministre Goodale en entrevue à La Presse.

Le ministre Goodale, qui croit que la liberté de presse est « une valeur fondamentale » au Canada, n'a pas voulu s'avancer à savoir si des changements législatifs sont nécessaires afin de protéger la liberté de presse dans le cadre d'enquêtes policières. « Nous devons traiter de cet enjeu sérieusement et je suis certainement prêt à entendre les représentations [des médias et d'associations de journalistes comme la FPJQ] sur ce qui pourrait être un meilleur ensemble de règles », dit le ministre Goodale. 

Le dossier de M. Lagacé concerne le Service de police de la Ville de Montréal, qui ne relève pas du gouvernement fédéral. Mais la Gendarmerie royale du Canada (GRC) a autorisé la filature de deux journalistes de La Presse, Joël-Denis Bellavance et Gilles Toupin, en 2007 et en 2008 (la filature n'a pas eu lieu en 2008 mais avait été autorisée). « C'était un cas clair où les règles en vigueur n'ont pas été suivies [par la GRC] », dit le ministre Goodale. 

En 2016, la GRC s'est aussi adressé aux tribunaux ontariens pour qu'un journaliste de VICE lui remette du matériel journalistique sur une personne soupçonnée de terrorisme. VICE a fait appel de la décision d'un tribunal ontarien donnant raison à la GRC. La Sûreté du Québec a saisi en septembre l'ordinateur d'un journaliste du Journal de Montréal à la demande du Conseil de la magistrature en rapport avec un dossier traité par le conseil. Le ministre Goodale, qui n'a pas voulu commenter sur ces cas précis, fait valoir que « les cas vont suivre leur cours pour voir s'ils respectent les critères de la Cour suprême » en matière de protection du matériel et des sources journalistiques.