L'arrestation de l'ex-entraîneur de ski alpin Bertrand Charest pour agressions sexuelles sur 11 anciennes athlètes a ébranlé le monde du sport le printemps dernier, et a rappelé à quel point la dynamique particulière qui s'installe entre les entraîneurs et leurs poulains peut ouvrir la porte à des dérapages. Mais à quelle fréquence les choses tournent-elles mal? Une nouvelle étude lève le voile.

5% des agressions sexuelles

Les entraîneurs seraient responsables de 5,3% des agressions sexuelles dont sont victimes les adolescents québécois âgés de 14 à 17 ans, selon une étude menée par Sylvie Parent, chercheuse au département d'éducation physique de l'Université Laval. On parle ici de jeunes qui font du sport organisé, mais aussi qui bougent dans leurs loisirs. Le pouvoir des entraîneurs rend leurs protégés particulièrement vulnérables, ont démontré des études récentes. «Les jeunes athlètes accordent souvent une très grande confiance à leur entraîneur, et certains intervenants mal intentionnés peuvent profiter de cette confiance pour exercer un contrôle et une domination sur les jeunes qu'ils encadrent», explique un document de l'Institut national de santé publique.

Du sexe consensuel?

Les jeunes Québécois qui ont été victimes d'une agression sexuelle de la part d'un entraîneur dans la dernière année sont assez nombreux (1,2%) à affirmer que la relation était consensuelle, même si, selon le Code criminel, toute relation sexuelle avec une personne de pouvoir est un abus. Dans la majeure partie des cas, la différence d'âge entre le jeune et son entraîneur était de plus de cinq ans. «C'est énorme, 1,2%! s'exclame la chercheuse Sylvie Parent. Il y a une culture particulière dans le monde du sport. C'est comme si c'était plus acceptable. Alors que si un enseignant couchait avec une élève de 16 ou 17 ans, ça ne passerait pas du tout.» Près de trois ados sur quatre qui ont déclaré être consentants à une relation sexuelle étaient des garçons.

Pire pour les garçons

Fait surprenant, selon la chercheuse Sylvie Parent, quand on parle de harcèlement sexuel (gestes ou commentaires inappropriés, touchers furtifs), les garçons sont plus nombreux que les filles à avoir été victimes d'un entraîneur. Ils courent deux fois et demie plus de risques que les filles. Chez les athlètes qui font du sport organisé, toutefois, l'écart entre les genres disparaît. Est-ce parce que le monde du sport de haut niveau est plus tolérant par rapport à ce type de comportement, ce qui fait en sorte que les garçons ne les dénoncent pas? Ou se croient-ils consentants? «Ce sont des pistes à explorer», répond Mme Parent, qui s'inquiète d'un «risque supplémentaire lié au sport pour les garçons».

Le sport qui protège?

Les risques pour les adolescents d'être victimes d'une agression sexuelle, quel que soit l'agresseur (entraîneur ou non), sont 1,3 fois plus élevés pour ceux qui ne pratiquent pas de sport organisé que pour ceux qui en font.

La prévalence d'agressions sexuelles chez les ados en général est de 10,2%, contre 8,8% chez les sportifs. Le sport est-il un facteur de protection? Peut-être, mais pas nécessairement, répond la chercheuse Sylvie Parent. Il est possible aussi que les victimes quittent le sport organisé après l'événement, ce qui voudrait dire qu'ils ne se définissent plus comme athlètes dans le sondage.

Retour sur l'affaire Charest

Bertrand Charest, ex-entraîneur chez Canada Alpin, a été arrêté le 10 mars dernier et accusé d'avoir agressé sexuellement 11 jeunes skieuses qui étaient sous sa supervision, dans les années 90. L'homme de 49 ans fait face à 56 chefs d'accusation. Ses présumées victimes étaient âgées de 12 à 18 ans au moment des événements. En mars, un juge a ordonné qu'il reste derrière les barreaux en attendant son procès pour la sécurité des jeunes femmes et afin de ne pas «miner la confiance du public envers la justice». L'homme conteste cette décision devant le tribunal.

Méthodologie

L'enquête a été menée directement auprès de 6450 adolescents et adolescentes âgés de 14 à 17 ans dans 34 écoles secondaires de la province. Il s'agit, selon les chercheurs, de la première étude mesurant à grande échelle les cas d'agressions sexuelles commises par des entraîneurs sportifs.