Radil Hebrich n'a pas été complètement abandonné à son sort pendant 16 minutes sur un quai du métro Langelier après avoir été heurté une rame en mouvement. À la lumière d'informations fournies par la STM, il apparaît qu'un changeur est intervenu, sans toutefois prodiguer de soins.

Le coroner Jacques Ramsay a dû modifier son rapport publié en février dernier après avoir pris connaissance de nouvelles bandes vidéo et audio de l'incident survenu le 16 janvier 2014 ayant causé la mort d'un homme de 59 ans.

«Si le rapport du 5 décembre donnait à entendre que le temps de réponse de la STM avait pu être lent, la preuve divulguée par la STM informe maintenant cette hypothèse », peut-on lire dans le rapport amendé.

On apprend notamment que deux témoins de la collision ont avisé séparément le Centre de contrôle 30 secondes après l'incident grâce au téléphone d'assistance sur le quai. 

Le changeur de la station est arrivé sur les lieux trois minutes plus tard et a avisé le Centre que l'homme respirait. Le coroner précise que le changeur est resté sur le quai jusqu'à l'arrivée des premiers répondants.

« C'est important de constater que la personne n'est pas restée 16 minutes sans qu'on s'occupe d'elle», a souligné à La Presse le président de la STM Philippe Schnobb. 

« Il [le changeur] reste toutefois en retrait et ne dispense aucun soin», précise toutefois le rapport amendé.

Il ajoute que cette présence a pu donner l'impression que l'événement était sous contrôle ce qui a pu décourager l'implication des usagers alors qu'il aurait fallu la susciter.

À l'arrivée des secours 16 minutes plus tard, l'homme n'a plus de pouls.

« Le protocole est qu'il doit contacter les services d'urgences [...] il faut avoir la formation pour prodiguer des soins et les changeurs n'ont pas nécessairement cette formation», réplique M. Schnobb.

Les 150 inspecteurs du métro ont cette formation. Un ambulancier est aussi en service pendant la journée au métro Berri-UQAM. « On n'est pas à découvert», ajoute-t-il.

Dans son rapport amendé, le coroner recommande maintenant à la STM de revoir certains protocoles. Il suggère notamment que chaque station soit munie de trousse de premiers soins et matériel de réanimation pour être utilisé par les employés ou les bons samaritains.

Il recommande aussi à la STM de faire une réflexion approfondie sur la portée de son rôle en situation d'urgence.

«On va regarder de quelle manière ça pourrait se faire, quelles seraient les impacts, quels sont les protocoles ailleurs, est-ce que qu'on peut s'en inspirer...on va faire cet exercice assez rapidement», affirme M. Schnobb.

Des problèmes de communications sont à l'origine du premier rapport incomplet. Le coroner n'a jamais tenté de joindre la STM pour son enquête. Le Service de police de la Ville de Montréal (SPVM) avait fourni certaines bandes vidéo à la demande du coroner sans préciser qu'il pouvait y en avoir d'autres.

«Au moment où j'ai fait mon rapport, je l'ai fait sur la base des images que j'avais et j'étais intimement convaincu que je n'avais pas besoin d'aller plus loin», a expliqué le coroner Ramsay, joint au téléphone par La Presse. Autant le coroner que la STM, on a appris de ça», ajoute-t-il.

Quant à la STM, elle ne savait que le coroner avait ouvert une enquête et demande d'en être informée à l'avenir. Elle affirme même qu'elle n'était pas au courant qu'un homme était mort. « Ce qui est écrit dans le rapport est que quelqu'un a été blessé et est parti en ambulance, personne ne nous appelle pour nous dire son état de santé». Or, Radio-Canada avait pourtant rapporté le décès au lendemain du drame.

Déroulement des événements du 16 janvier 2014

Radil Hebrich sort du wagon de métro à la station Langelier à 21h32. Il est visiblement en état d'ébriété.

L'homme titube et se rapproche du quai. Sa tête est heurtée par le relief d'un des wagons. Il gît au sol la tête à quelques centimètres à peine du bord.

Deux témoins de la collision ont avisé séparément le Centre de contrôle 30 secondes après l'incident grâce au téléphone d'assistance sur le quai.

Le changeur de la station est alors avisé et ce dernier arrive sur les lieux trois minutes plus tard après avoir «remisé» de manière sécuritaire sa caisse et verrouillé sa cabine comme le prévoit la procédure.

Le changeur avise le Centre de contrôle que l'homme est « non-communicatif », mais qu'il respire. Le 911 est contacté.

Les deux opérateurs de trains qui arrivent à la station avisent le Centre de Contrôle de la présence d'un homme couché sur le quai et reprennent leur chemin.

Le changeur reste en retrait sur le quai et revient à quelques reprises voir le blessé pendant quelques secondes. Il ne prodigue aucun soin et ne le déplace pas.

Aucun usager ne tente de vérifier les signes vitaux de l'homme. Un autre train arrive et l'opérateur sort sur le quai, discute avec le changeur pendant une trentaine de secondes avant de reprendre son trajet.

Les secours arrivent après 16 minutes, il faut encore 3 minutes avant les premières manoeuvres de réanimation. L'homme n'a plus de pouls.

Les techniciens ambulanciers d'Urgence-Santé arrivent 7 minutes plus tard. Ils réussissent à retrouver un pouls, mais l'homme meurt aux soins intensifs de l'Hôpital Maisonneuve-Rosemont à 4h21.