Le magistrat qui préside au procès des deux hommes accusés d'avoir comploté pour faire dérailler un train de passagers entre New York et Toronto a commencé à donner ses directives au jury, vendredi matin, et il a prévenu que son exposé serait plutôt long.

Le juge Michael Code, de la Cour supérieure de l'Ontario, a rappelé aux jurés qu'ils auront la tâche, d'une part, de protéger les citoyens contre toute condamnation injuste, mais d'autre part d'assurer la sécurité de la population. «Vous avez une voix directe et décisive dans l'administration de la justice», a indiqué le juge Code en commençant à livrer ses directives - qui font 250 pages.

Chiheb Esseghaier, qui étudiait au Québec lors de son arrestation en avril 2013, et Raed Jaser, de la banlieue de Toronto, font face à de multiples accusations liées au terrorisme.

Le juge Code a rappelé qu'en droit criminel, le fardeau de la preuve incombe à la Couronne: si le jury entretient un «doute raisonnable» quant à la culpabilité des accusés sur un ou plusieurs chefs, il doit les acquitter sur ces chefs. Le magistrat a défini les notions de doute raisonnable et de certitude, qui doivent être basées sur le bon sens, la raison et l'ensemble de la preuve, et non sur une impression ou une probabilité, a-t-il expliqué.

«Il ne suffit pas de croire que M. Esseghaier ou M. Jaser est probablement ou vraisemblablement coupable - si tel est le cas, il faut les acquitter», a expliqué le juge Code. Par contre, «si, à la fin du processus, après avoir considéré l'ensemble de la preuve, vous êtes convaincus que M. Esseghaier ou M. Jaser ont commis un crime, vous devez prononcer un verdict de culpabilité pour ce crime.»

Le magistrat a d'ailleurs répété aux jurés qu'ils devaient tenir compte de l'«ensemble de la preuve» avec l'esprit ouvert, et éviter les conjectures là où la preuve n'existe pas. «Vos déductions doivent être basées sur la logique et la raison: la spéculation n'a pas sa place dans la fonction de juré», a-t-il dit.

Le juge Code continuera à livrer ses directives aux jurés lundi et une partie de la journée mardi, après quoi 12 des 14 citoyens qui ont assisté aux procédures seront isolés du reste du monde pour entreprendre leurs délibérations.

Écoute électronique «accablante»

Dans ses plaidoiries finales, mercredi, la Couronne avait soutenu que les preuves contre Jaser et Esseghaier étaient «accablantes». La poursuite a ensuite résumé méthodiquement les nombreuses heures d'écoutes électroniques enregistrées par un agent d'infiltration du FBI. Les jurés avaient pu entendre au procès les coaccusés discourir de djihad et d'attentats - notamment celui envisagé contre un train de Via Rail, qui est l'objet des accusations.

Esseghaier, qui a refusé d'être représenté par un avocat parce qu'il n'accepte d'être jugé qu'en vertu des lois coraniques, a rappelé jeudi aux jurés, par écrit, ses objections de conscience initiales.

L'avocat de Jaser, de son côté, a plaidé que son client n'était pas un terroriste mais un escroc de droit commun qui s'est fait passer pour un djihadiste dans le but de soutirer de l'argent à Esseghaier et à un «riche homme d'affaires américain» devenu leur «complice» - la taupe de la police fédérale américaine (FBI).

Esseghaier est accusé de cinq chefs, pour des événements qui seraient survenus sur une période de 10 mois, entre le 1er avril 2012 et le 14 février 2013: complot pour tuer des personnes inconnues au profit d'un groupe terroriste, complot pour nuire aux moyens de transport au profit d'un groupe terroriste, participation ou contribution à une activité d'un groupe terroriste (deux chefs), et avoir chargé une personne de se livrer à une activité au profit d'un groupe terroriste.

Jaser, lui, est accusé des trois premiers chefs, pour lesquels il a plaidé non coupable. Dans le cas d'Esseghaier, qui refuse de participer à ces procédures laïques, c'est le juge qui a plaidé non coupable en son nom. Les deux accusés n'ont appelé aucun témoin à la barre pendant le procès.