Un ancien dirigeant de la firme de génie SNC-Lavalin se voit réclamer une amende record par le Directeur général des élections (DGE) pour sa participation à un système de prête-nom dans le financement illégal de partis politiques.

Devant la commission Charbonneau en 2013, Yves Cadotte avait reconnu la création d'un système de prête-noms pour financer les partis politiques au sein de la firme de génie. Selon des données compilées à l'enquête publique, les dons provenant d'employés de SNC-Lavalin se sont élevés à 570 000 $ pour le PLQ et à 477 000 $ pour le PQ, de 1998 à 2010. Ces employés se faisaient rembourser leurs contributions par la firme, ce qui est illégal. Selon la loi, un électeur doit verser un don « à même ses propres biens », « sans contrepartie ».

Après avoir mené sa propre enquête, le DGE dit avoir recueilli suffisamment de preuves pour déposer deux constats d'infraction contre cet ancien vice-président de SNC-Lavalin, l'homme ayant démissionné deux mois après son passage à la commission Charbonneau. Dans le premier constat, on lui reproche d'avoir incité 79 employés de la firme de génie à verser en 2009 la somme de 177 000 $ au Parti libéral du Québec et 60 000 $ au Parti québécois.

Le deuxième constat touche le volet municipal du système de prête-nom. L'ancien dirigeant de SNC-Lavalin aurait convaincu huit employés de faire de même auprès de trois partis municipaux, pour un total de 7500 $. Il s'agit d'Union Montréal, le parti de l'ex-maire Gérald Tremblay, Équipe Labeaume, de l'actuel maire de Québec Régis Labeaume et Lévis Force 10, de l'ex-mairesse de cette ville, Danielle Roy-Marinelli.

«Le système de financement politique corporatif mis en place au sein de la firme faisait en sorte que les employés ayant versé une contribution politique recevaient systématiquement un remboursement équivalent de la part de leur employeur», indique le DGE, par voie de communiqué.

En plus de l'amende minimale de 500 $ pour chacun des constats, le DGE veut lui imposer de payer un montant équivalent aux dons versés illégalement à ces partis en 2009, soit pas moins de 244 000 $.

Le DGE précise que SNC-Lavalin a offert «la collaboration nécessaire» afin de recueillir la preuve requise. Yves Cadotte a quant à lui plaidé non coupable aux constats d'infraction le visant. Si un juge devait le déclarer coupable, en plus d'hériter d'une amende salée, il sera interdit de contrat public pour une durée de trois ans.

Si le DGE ne réclame pas des amendes équivalentes aux sommes versées depuis 1998, c'est que la loi prévoit une période de prescription après cinq ans. D'où le fait que les deux constats se limitent à l'année 2009.

C'est en raison de cette même prescription que le DGE n'imposera pas d'amendes aux employés ayant fait des dons illégaux puisque leurs contributions ont été versées il y a tout juste plus de cinq ans. Les partis politiques n'auront pas non plus à rembourser les dons illégaux reçus parce que, là encore, il est trop tard. Si Yves Cadotte se retrouve ainsi seul à faire face à des constats d'infraction, c'est qu'on lui reproche d'avoir maintenu le système en place.

Autres amendes

Cette amende de 245 000 $ représente tout de même un record pour le DGE, les peines habituellement réclamées étant souvent de quelques milliers de dollars au plus. Si la peine réclamée est aussi imposante, c'est en raison de l'étendue du système de prête-nom dans lequel Yves Cadotte était impliqué.

Le précédent «record» pour une amende imposée par le DGE remonte à juillet 2014, quand un ancien dirigeant du Groupe SM, Jean Guité, avait dû payer 103 700 $ après avoir reconnu sa culpabilité à 47 constats d'infraction. Il avait reconnu avoir participé à un système de prête-nom pour financer illégalement le Parti libéral du Québec et le Parti québécois. Il avait aussi reconnu avoir fait de même lors des élections municipales de 2009 auprès de partis municipaux à Boucherville, Brossard, Longueuil et Sherbrooke.

Autre importante amende, un ancien dirigeant de la firme de génie Roche, André Côté, a reçu pour 42 675 $ en amendes en décembre 2014. Il avait reconnu sa participation à un système de prête-nom auprès du Parti libéral et du Parti québécois.