Des camionneurs qui ont passé à répétition la frontière américaine avec des centaines de kilos de cocaïne au début des années 2010 n'ont pas hésité à demander de fortes « augmentations de salaire » à leurs patrons, en raison des risques encourus.

L'appât du gain est l'un des facteurs qui ont joué contre Serge Étienne Boyer la semaine dernière, alors que l'homme de 29 ans, qui avait été arrêté lors de l'importante opération Loquace en novembre 2012, a été condamné à une peine de huit ans et demi de pénitencier.

L'enquête Loquace, menée par la Sûreté du Québec, a visé un consortium composé d'individus liés notamment au crime organisé irlandais et aux Hells Angels, qui auraient tenté de prendre le monopole de l'importation et de la distribution de cocaïne au Canada. Boyer travaillait pour le propriétaire d'une entreprise de transport, Éric Brochu, déjà condamné à 11 ans de pénitencier dans cette affaire.

L'entreprise de Brochu était spécialisée dans le transport de roulottes fabriquées aux États-Unis et vendues au Canada. Ses camionnettes, qui franchissaient continuellement la frontière, avaient été modifiées et équipées d'une cache dans laquelle les suspects pouvaient importer jusqu'à 100 kg de cocaïne chaque fois.

DES LIVRAISONS PAYANTES

Brochu avait une équipe de six à huit chauffeurs qui travaillaient pour lui, dont Boyer. Au début, chaque transport de cocaïne rapportait à ce dernier 4000 $. Mais plus tard, a-t-on appris pendant l'enquête, les chauffeurs ont commencé à réaliser les risques qu'ils prenaient et ont réclamé plus d'argent. C'est le cas de Boyer, qui a été payé 25 000 $ pour son dernier voyage avant son arrestation.

Le condamné semblait y prendre goût puisqu'il a acheté sa propre camionnette modifiée et a été vu transportant chez une proche un coffre-fort contenant 23 000 $ durant l'enquête.

La preuve a démontré que Boyer a effectué 10 transports de cocaïne, donc au moins 500 kg au total, et il a plaidé coupable à deux accusations de complot pour importation de cocaïne et importation de cocaïne en décembre 2013.

Il n'a pas d'antécédents judiciaires et, selon le rapport présentenciel, c'est pour rembourser une dette qu'il se serait à l'origine impliqué dans l'importation de cocaïne.

La poursuite demandait 10 ans et la défense, 3 ans.

Comment fonctionnait le réseau : 

La drogue provenait d'un cartel colombien.

Pour la payer, le réseau envoyait l'argent vers les pays producteurs par des transferts qui transitaient par les États-Unis, Shanghai et la Grèce.

Ces transferts coûtaient 10 ou 15 % de la somme acheminée.

Une fois aux États-Unis, les transporteurs se procuraient un téléphone cellulaire de type BlackBerry.

Ils prenaient alors contact avec des personnes liées aux cartels mexicains qui leur donnaient leurs instructions.

Les camionneurs se rendaient, en alternance, dans trois garages privés ou entrepôts de la région de Chicago, où la drogue était dissimulée dans des boîtes de la quincaillerie Home Depot et chargée à bord des camionnettes.

Une fois la frontière canadienne franchie, les camionneurs se rendaient dans une entreprise de la montée Masson à Sainte-Sophie, où la cocaïne était déchargée.

La drogue était ensuite livrée à d'autres individus, qui en faisaient la distribution.

Tous les suspects communiquaient par messages cryptés avec l'aide de téléphones de type PGP (Pretty Good Privacy).