Le gouvernement Harper n'a pas contrevenu aux lois constitutionnelles en nommant le juge Robert Mainville à la Cour d'appel du Québec, ont tranché mardi cinq magistrats de ce même tribunal.

Dans son avis, la plus haute cour québécoise précise qu'un juge des cours fédérales qui était membre du Barreau du Québec avant son accession à la magistrature «peut être nommé à la Cour d'appel du Québec ou à la Cour supérieure du Québec».

Le tribunal précise en outre que les cours québécoises visées par l'article 98 de la Loi constitutionnelle de 1867 sont «celles dont les juges sont nommés par le gouverneur général», soit la Cour d'appel et la Cour supérieure.

En vertu de cette interprétation, le juge Robert Mainville, qui est issu de la Cour fédérale, satisfait donc aux critères prévus par la Constitution.

Sa nomination, qui remonte à juin 2014, avait été accueillie avec scepticisme à Québec et perçue comme une manoeuvre du gouvernement conservateur par les partis d'opposition à Ottawa.

Car elle survenait dans la foulée de l'invalidation de la nomination du juge Marc Nadon - lui aussi issu de la Cour fédérale - comme juge du Québec à la Cour suprême du Canada.

Dans son arrêt, en mars 2014, le plus haut tribunal au pays avait déterminé que les magistrats de la Cour fédérale ne pouvaient occuper l'une des trois places sur le banc réservées au Québec.

L'opposition à Ottawa soupçonnait donc le gouvernement conservateur d'essayer de contourner le jugement dans la cause Nadon en nommant le juge Mainville à la Cour d'appel, pour ensuite légitimer son accession à la Cour suprême du Canada, en remplacement de Louis LeBel.

Les soupçons de l'opposition avaient été alimentés par la publication, dans le Globe and Mail, d'une courte liste de remplaçants potentiels pour le juge LeBel - dont l'heure de la retraite obligatoire approchait - sur laquelle figurait le nom de Robert Mainville.

Le juge LeBel, qui a pris sa retraite cet automne, a finalement été remplacé par l'avocate Suzanne Côté.

L'avis rendu mardi par la Cour d'appel a été produit à la demande de la ministre de la Justice du Québec, Stéphanie Vallée, qui souhaitait obtenir des éclaircissements sur les conditions de nomination des juges des cours du Québec par le gouvernement fédéral.

Elle disait estimer, dans un communiqué publié en juillet, qu'il était «essentiel que soient clarifiées les règles constitutionnelles concernant ces nominations, pour garantir l'expertise en droit civil, les traditions juridiques et les valeurs sociales du Québec».

Invitée à réagir à la réponse du tribunal, mardi, la ministre Vallée a simplement signalé qu'elle prenait acte de celle-ci.

«Le gouvernement du Québec entend prendre le temps nécessaire pour analyser le jugement et fera connaître les suites qu'il entend y donner au moment opportun», a-t-elle déclaré par voie de communiqué.

L'avocat Rocco Galati, qui avait déposé en juin 2014 une demande pour faire invalider la nomination du juge Mainville, a fait part mardi de son intention de porter l'avis de la Cour d'appel du Québec à l'attention de la Cour suprême du Canada.

Il demande que le juge Mainville ne soit pas assermenté tant que le plus haut tribunal au pays n'aura pas décidé s'il autorise l'appel.

Me Galati avait aussi contesté la nomination du juge Marc Nadon. Il dit mener ces divers combats au nom du droit des citoyens à une magistrature juste et indépendante.

En raison des démarches entamées par l'avocat torontois, le ministre fédéral de la Justice, Peter MacKay, a préféré réserver ses commentaires.

L'attaché de presse du lieutenant québécois de Stephen Harper, Denis Lebel, a cependant réagi.

«Notre gouvernement est continuellement guidé par des principes de mérite et d'excellence juridique dans son processus de nomination des juges au sein des cours canadiennes», a écrit dans un courriel Vincent Rabault.

«Comme nous l'avons toujours dit, les juges de la Cour fédérale maintiennent les traditions distinctives du Québec en matière de culture et de langue», a-t-il ajouté.