Victoire «historique» pour les victimes de prêtres pédophiles: les pères rédemptoristes ont accepté de verser 20 millions aux anciens élèves agressés sexuellement à l'ancien Séminaire Saint-Alphonse, à Sainte-Anne de Beaupré, dans la région de Québec.

« Il s'agit du montant le plus élevé payé par une congrégation religieuse québécoise dans le cadre d'un recours collectif qui vise des agressions sexuelles », s'est réjoui l'avocat des victimes, Me Robert Kugler.

Cette entente à l'amiable, conclue lundi, survient un mois après le jugement de la Cour supérieure qui a autorisé le recours collectif. Elle met un terme à la bataille judiciaire initiée par Frank Tremblay, agressé par le responsable de son dortoir (le rédemptoriste Raymond-Marie Lavoie), au début des années 1980, alors qu'il n'avait que 13 ans.

Aujourd'hui âgé de 45 ans, Frank Tremblay s'est dit « très content » de l'entente, qui simplifie grandement le processus de réclamation des victimes. 

D'abord, souligne M. Tremblay, les Rédemptoristes seront complètement exclus du processus et ne pourront contester les réclamations. Un adjudicateur (un juge à la retraite) recruté par les avocats des victimes sera chargé d'évaluer les réclamations une à une.

Ensuite, les victimes n'auront pas à faire la preuve que leur réclamation n'est pas prescrite. En principe, en vertu du Code civil, elles avaient trois ans pour demander une compensation à partir du moment où elles ont établi le lien entre les agressions vécues et les dommages subis.

Frank Tremblay craignait que les anciens élèves du Séminaire Saint-Alphonse aient à passer par le même processus que les victimes des Frères de Sainte-Croix, qui se sont vues accorder, en 2011, 17 millions pour des agressions sexuelles commises il y a plus de 30 ans.

« Les frères de Sainte-Croix ont contesté chacune des réclamations des 208 victimes et ça a pris un an et demi, résume Frank Tremblay, aujourd'hui conseiller financier et père de deux enfants. Pour beaucoup d'individus, ça aurait été horrible de subir, en quelque sorte, ce que j'ai subi lors du processus judiciaire.»

Si les dirigeants des Rédemptoristes ont accepté de conclure une entente, c'est pour «démontrer leur compassion et leur bonne volonté » et pour «soulager plus rapidement les victimes et les membres des Rédemptoristes, qui, à 99%, ne sont pas impliqués (dans les agressions sexuelles)», selon leur avocat, Me Pierre Baribeau.

Les Rédemptorsites se sont exclus du processus d'indemnisation pour accélérer le processus et parce que la partie adverse s'est engagée à établir un « processus sérieux » de validation des réclamations.

« Autrement dit, il peut y avoir de fausses réclamations, souligne Me Baribeau. C'est dans la nature humaine.» 

Lors du procès, 70 victimes faisaient partie du recours et quelques-unes se sont ajoutées à la liste depuis. Leur avocat, Me Robert Kruger, invite toute autre victime qui a étudié au Séminaire Saint-Alphonse (aujourd'hui appelé Collège Saint-Alphonse) entre 1960 et 1987 à communiquer avec son bureau. Les demandes seront traitées de façon confidentielle. 

L'entente à l'amiable devra être entérinée par un juge d'ici 30 jours. 

En chiffres

> La communauté des Rédemptoristes, à Sainte-Anne-de-Beaupré, compte aujourd'hui 140 membres.

> En 2011, le père Raymond-Marie Lavoie a été condamné à 5 ans de prison pour avoir agressé sexuellement 13 pensionnaires.