Si Éric Daudelin a été capable de décrire avec autant de précision l'agression sexuelle et le meurtre de la petite Joleil Campeau en 2011, soit 16 ans après le crime, c'est qu'il en est l'auteur. Il fallait être «là», pour donner autant de détails.

C'est ce que le procureur de la Couronne, Me Pierre-Luc Rolland, s'est efforcé de démontrer pendant tout l'après-midi, vendredi, en contre-interrogeant énergiquement M. Daudelin. L'homme de 40 ans est accusé du meurtre, de l'agression sexuelle et de la séquestration de l'enfant de 9 ans.

Pendant toute la journée de jeudi, M. Daudelin a témoigné pour sa défense, soutenant qu'il n'avait pas tué Joleil Campeau et qu'il avait fait de faux aveux en 2011, de peur d'être rejeté de l'organisation criminelle qui le faisait vivre grassement depuis quatre mois. Vendredi, c'était au tour de la Couronne de l'interroger, une situation beaucoup moins confortable pour l'accusé.

Dans l'avant-midi, Me Rolland a butiné ici et là dans la preuve, dans le but de faire ressortir les contradictions que l'accusé avait pu énoncer, Daudelin ayant prétendu que la police avait pu manipuler son ADN pour l'incriminer. Dans l'après-midi, le procureur est allé au coeur du sujet en disséquant ces aveux que M. Daudelin avait faits le 21 juin 2011 au patron de l'organisation criminelle qui promettait de l'aider à se tirer d'affaire s'il lui disait toute la vérité.

Ce patron, Robert, était en fait un agent double qui, au 45e scénario d'une opération d'infiltration, tentait d'obtenir les aveux de M. Daudelin au sujet du meurtre de la petite Joleil. Le crime a été commis le 12 juin 1995, mais les nouvelles techniques d'analyse avaient permis d'établir un profil d'ADN sur des objets liés au meurtre de l'enfant. Et ce profil était celui de M. Daudelin. À l'époque, celui-ci avait 21 ans et venait de purger une peine de prison pour 6 agressions sexuelles. Il avait d'ailleurs été soupçonné et longuement interrogé au sujet de la disparition de Joleil Campeau, le 16 juin 1995.

Un déclic

Le 45e scénario de l'opération se passait dans un entrepôt de Vancouver. D'abord réticent, M. Daudelin avait fini par raconter à Robert que le 12 juin 1995, il roulait dans la rue Debussy quand il avait vu la petite fille. 

Il venait de sortir de prison, un déclic s'était fait en lui. Il était sorti de sa voiture en vitesse, avait agrippé l'enfant, l'avait poussée dans un fossé, traînée près d'un ruisseau, déshabillée et agressée sexuellement, puis l'avait aidée à se rhabiller. Il avait raconté qu'il l'avait ensuite calée dans la vase du ruisseau et avait posé une grosse pierre sur elle pour l'empêcher de se relever. 

Daudelin avait également donné d'autres détails sordides qui correspondaient avec la scène de crime, notamment la manière dont son sperme avait pu se retrouver sur l'enfant.

M. Daudelin affirme aujourd'hui que c'est un scénario qu'il a inventé de toutes pièces pour ne pas perdre son emploi dans l'organisation criminelle. Il prétend qu'il a forgé son histoire à partir des articles de journaux et des reportages de l'époque sur le meurtre de l'enfant. Et comme il avait été élevé dans le quartier, il pouvait donner une description extrêmement précise des lieux.

Pour le procureur Rolland, ces explications ne tiennent pas la route. Le 21 juin 2011, M. Daudelin était à Vancouver supposément pour faire la «grosse job» qui lui rapporterait 50 000$. Il ne s'attendait pas à ce que son patron, Robert, l'interroge sur le meurtre de Joleil Campeau. Comment pouvait-il se souvenir des détails diffusés dans les médias 16 ans auparavant?

Le procès se poursuit lundi avec les plaidoiries. La juge Sophie Bourque a informé le jury de six hommes et six femmes qu'il devrait commencer à délibérer dès mardi.