Un gros gestionnaire de portefeuille québécois qui vantait publiquement le recours aux paradis fiscaux vient d'être arrêté aux États-Unis avec un avocat de la région de Québec pour complot et blanchiment d'argent.

Éric St-Cyr, un ancien vice-président d'une filiale de la banque CIBC établi aux Îles Caïmans, a été épinglé en Floride par les US Marshalls le 14 mars, en même temps que l'avocat Patrick Poulin. Ce dernier possède un bureau sur le boulevard Laurier à Québec et un autre aux îles Turques-et-Caïques.

Un complice américain, Joshua Vandyk, a aussi été arrêté. Vandyk est un employé de la firme Clover Asset Management, l'entreprise de gestion de fortune créée par Éric St-Cyr aux îles Caïmans.

L'acte d'accusation déposé en cour affirme que St-Cyr et Vandyk sollicitaient des clients américains pour les aider à cacher leur argent de l'impôt. Le 7 mars 2013, en Floride, ils ont rencontré trois agents d'infiltration du fisc américain, travaillant sous une fausse identité.

L'un disait être un riche citoyen américain qui voulait investir sa fortune dans les paradis fiscaux sans déclarer ses rendements au fisc américain.

L'autre disait avoir fraudé une banque pour 2 millions et chercher à blanchir le fruit de son crime.

Le troisième disait être un planificateur financier représentant plusieurs clients, dont ses deux accompagnateurs.

Plus cher pour l'argent du crime

Les agents doubles ont conservé leur rôle pendant un an, multipliant les rencontres avec St-Cyr, Vandyk et Poulin à San Francisco, à Québec, aux îles Turques-et-Caïques et aux îles Caïmans.

Toujours selon la poursuite, Me Patrick Poulin aurait dit aux agents infiltrés que la plupart de ses clients sont canadiens et américains. Il leur aurait expliqué certaines mécaniques d'évasion fiscale et aurait orchestré le transfert de 200 000 $ pour eux. Il les aurait aussi aidés à créer une entité offshore appelée «Zero Exposure Inc».

St-Cyr et Vandyk auraient de leur côté indiqué qu'ils recommandaient des procédés différents pour leurs clients qui cherchaient seulement à faire de l'évasion fiscale et ceux qui voulaient blanchir l'argent du crime. Ils disaient d'ailleurs charger plus cher à leurs clients pour blanchir l'argent sale que pour la simple évasion fiscale. Vandyk aurait aussi déclaré que lui et ses complices n'avaient pas de problème avec l'argent sale tant qu'il n'était lié ni à la drogue ni au terrorisme.

Selon les autorités américaines, Éric St-Cyr et Patrick Poulin avaient plusieurs clients américains. La firme de St-Cyr n'offrait pas de relevé mensuel à ses clients qui cachaient leur argent dans les paradis fiscaux, mais elle leur permettait de consulter leur rendement sur Internet grâce à un mot de passe numérique anonyme, selon la poursuite.

«Quand tu ne paies plus d'impôts...»

Éric St-Cyr a fait la manchette en juin dernier lorsqu'il a accordé une longue entrevue à l'agence QMI pour vanter les paradis fiscaux. «En déménageant ici, je suis passé d'un coup d'un taux d'imposition de 54% à 0%», disait-il au sujet des îles Caïmans.

«Quand tu ne paies plus d'impôts, ton revenu explose!», avait-il ajouté.

Plus récemment, la Chambre de la sécurité financière du Québec a affirmé dans une requête que Clover Asset Management, la firme d'Éric St-Cyr, a pris la relève de Dominion Investment, la firme du financier Martin Tremblay, condamné aux États-Unis pour blanchiment d'argent. Trembay, un spécialiste des placements dans les paradis fiscaux, avait plaidé coupable à une accusation réduite d'avoir blanchi 20 000 $, mais la justice américaine l'accusait initialement d'avoir blanchi un milliard. Il avait été piégé par des agents américains se faisant passer pour des trafiquants de drogue en quête de solutions de placements.