Les Hells Angels auraient éludé 30 millions de taxes en à peine 15 mois grâce à un réseau de trafiquants de cigarettes de contrebande dirigé par Salvatore Cazzetta. Le réseau a été démantelé en 2009 dans une importante opération policière appelée Machine.

C'est ce qu'un policier du groupe Accès, spécialisé dans la lutte contre la contrebande d'alcool et de tabac, a déclaré lors de plaidoiries sur la peine à imposer à l'un des livreurs de cigarettes de l'organisation, Yannick Bouffard, qui se déroulent au palais de justice de Longueuil.

Selon l'enquêteur Hugo Bolduc du Service de police de la Ville de Montréal (SPVM), les trafiquants s'approvisionnaient dans une usine de fabrication de cigarettes transformée en véritable place forte sur le chemin Old Chateauguay Road, dans la réserve amérindienne de Kahnawake. Cette usine appartient aux hommes d'affaires mohawks Peter Rice et ses fils, également accusés à la suite de l'opération policière menée en juin 2009. La famille avait un permis du fédéral pour exploiter l'usine et fabriquer des cigarettes au début de l'enquête, mais l'a perdu en cours de route.

Les cigarettes étaient transportées dans des minifourgonnettes dont les sièges avaient été retirés. Des couvertures recouvraient la marchandise.

Un quartier général

Le policier a également raconté qu'après s'être approvisionnés, les trafiquants se donnaient rendez-vous dans un garage de la rue Henri-Bourassa à Montréal-Nord, qui appartenait alors à Anthony Battaglia, un proche de Salvatore Cazzetta. Les cigarettes étaient ensuite livrées chez les clients ou déposées dans un minuscule entrepôt «forteresse», situé dans la rue Pascal-Gagnon.

Les enquêteurs d'Accès ont enregistré pas moins de 19 000 conversations durant l'enquête. Ils ont pointé une caméra fixe vers le garage de Battaglia et constaté que Salvatore Cazzetta s'y est rendu à 154 reprises durant l'enquête. Ils ont également observé sur place d'autres membres des Hells Angels, dont Gilles Lambert, et des membres de la mafia italienne et des gangs de rue, dont l'ancien chef présumé des Rouges, Chénier Dupuy, et l'un de ses proches, Hansley Joseph.

Sur l'écoute, les enquêteurs ont toutefois constaté un certain ralentissement des activités à la suite de la vaste rafle anti-motards SharQc en avril 2009.

«Le réseau fonctionnait comme une entreprise. Salvatore Cazzetta était le président, les Rice étaient les fournisseurs et Battaglia, le gérant qui donnait les adresses de livraison aux employés dans son garage, qui était le quartier général», a résumé le procureur de la Couronne, Me Philippe Vallières-Rolland. Ce dernier demande une peine d'un an de prison ferme pour Bouffard au juge Marc Bisson, de la Cour du Québec, alors que Me Chantale Gariépy, de la défense, réclame une peine avec sursis pour son client.

Plusieurs accusés du projet Machine, qui avait également un volet stupéfiant, ont été condamnés, mais les procès de Cazzetta et des Rice auront lieu l'an prochain. Anthony Battaglia n'a pas été arrêté et accusé dans cette affaire.