Il faut réformer le droit de la famille «dans sa globalité» pour mieux tenir compte des réalités familiales d'aujourd'hui et notamment mieux protéger les personnes vivant en union de fait, recommande à l'unanimité au gouvernement un comité consultatif.

L'avis, formulé essentiellement par des juristes, a été demandé par le ministère de la Justice dans la foulée de l'affaire Lola, cette femme qui, tout en étant conjointe de fait, réclamait pour elle-même une pension alimentaire à son ex-conjoint.

Le comité rappelle que 55% des naissances au Québec sont aujourd'hui issues de couples en union de fait. «Le droit de la famille laisse donc à découvert une portion importante de couples auprès desquels il aurait pourtant vocation à s'appliquer», peut-on lire dans l'avis signé par Me Alain Roy, professeur à la faculté de droit de l'Université de Montréal.

Selon le comité consultatif, ce devrait être l'arrivée d'un enfant qui dicte l'assujettissement d'un couple à un régime juridique.

Pour l'avancer, le comité souligne à quel point les naissances accentuent les liens d'interdépendance entre les conjoints et amènent chacun à réévaluer sa contribution. L'un ralentira parfois son rythme de travail pour s'occuper des enfants pendant que l'autre mettra peut-être les bouchées doubles au boulot.

«Le surinvestissement familial de l'un conjugué au surinvestissement professionnel de l'autre représentent les principaux déclencheurs de l'interdépendance conjugale ou familiale. Cette seule constatation permet de justifier l'opportunité d'une réforme», écrit encore Me Alain Roy.

Comme l'enfant devrait devenir l'ancrage central d'une éventuelle réforme du droit de la famille, encore faudra-t-il élaborer une définition de cet enfant, rappelle le comité. «S'agira-t-il de l'enfant commun ou retiendra-t-on également l'enfant à l'égard duquel le conjoint du parent agit in loco parentis (tient lieu de parent)? Le régime juridique s'enclenchera-t-il dès la conception de l'enfant ou prendra-t-il plutôt effet à compter de sa naissance ou de sa prise en charge? Se terminera-t-il à sa majorité ou à son départ du nid familial?»

Autant de questions très compliquées auxquelles répondre, et le comité ne s'arrête pas là, soulignant par exemple qu'il ne faudrait pas exclure d'une éventuelle réforme le cas des couples sans enfants.

Procréation assistée

La filiation par procréation assistée mérite aussi une attention particulière, selon le comité. Entre autres problèmes, «le besoin de l'enfant issu d'une procréation assistée de connaître son identité d'origine est complètement nié par le droit québécois».

Par ailleurs, «dans certaines circonstances, pourrait-on envisager d'accorder aux tiers donneurs ou géniteurs un statut de parents»?

Vous l'aurez compris, c'est à un vaste chantier qu'est convié le gouvernement par cet avis consultatif. Pas le choix, laisse-t-on entendre: trop de questions ont trop longtemps été laissées en plan. «On ne saurait se contenter des interventions législatives à la pièce qui se sont succédé au cours des dernières décennies», dit l'avis.

«Bien qu'elles aient permis de colmater certaines des fissures provoquées par les mutations sociales, ces interventions ont aussi multiplié les problèmes d'incohérence interne qui parsèment aujourd'hui le droit de la famille québécois.»