«Trahis», «dégoûtés», «bouleversés». Le chef du service de police de la Ville de Montréal (SPVM) Marc Parent n'a pas mâché ses mots pour décrire comment ses troupes et lui se sentent depuis l'arrestation de Benoît Roberge.

Le chef de police est sorti de son mutisme cet après-midi quatre jours après l'arrestation de l'ancien enquêteur du SPVM accusé d'avoir vendu des informations aux Hells Angels.

Il s'agit d'un cas isolé, a insisté le chef de police, mais un cas qui «ébranle toute l'administration de la justice».

Comme La Presse l'expliquait ce matin ici, le SPVM a confirmé que Benoît Roberge avait un problème à respecter l'autorité. Il a eu une grave dispute avec un supérieur qui l'avait rendu amer envers son organisation policière, nous avait indiqué plusieurs sources. L'expert des motards criminels avait alors été muté aux enquêtes générales dans un centre opérationnel. Il considérait cela comme une punition.

«(Son problème était) peut-être plus dans le savoir-être que dans le savoir-faire», a décrit le directeur adjoint, Didier Deramon. «Il avait son style (...) C'est quelqu'un qui prenait beaucoup de place», a ajouté le chef Marc Parent. Jamais toutefois aucun supérieur n'a eu de doute sur son intégrité, disent-ils.

Les plus proches collègues de Benoît Roberge ne lui connaissaient pas de problèmes d'alcool ni de jeux. Ils n'ont pas observé de changement de train de vie. Roberge a travaillé 11 ans au sein d'escouades d'élite chargées d'enquêter sur le crime organisé.

Test polygraphique

Aujourd'hui, ces mêmes collègues sont sous enquête, confirme le chef du SPVM. La police cherche à découvrir s'ils ont transmis des informations névralgiques  à Roberge en toute bonne foi ou dans un dessein criminel.  L'enquête criminelle visant Roberge est menée par la Sûreté du Québec. Mais le SPVM mène également sa propre enquête interne. Des policiers pourraient avoir à passer un test  polygraphique, selon le chef de police. Cela s'est déjà fait, a-t-il expliqué. Des «tests aléatoires» qui visent à déceler des comportements déviants sont déjà mis en place danscertaines unités spécialisées.

Les policiers comme Benoît Roberge qui «contrôlent» des sources criminelles pour leur tirer des informations bénéficient généralement d'une grande latitude dans leur méthode d'enquête. Le chef de police a annoncé qu'il allait encadrer davantage les unités spécialisées.

Après l'affaire Ian Davidson, ce policier aux renseignements criminels qui s'est suicidé après avoir tenté de vendre des informations à la mafia, le cas de Benoît Roberge vient ajouter à la méfiance envers le SPVM. Indice du niveau de méfiance qui règne actuellement : la Sûreté du Québec a prévenu le directeur du SPVM qu'il y avait une présumée taupe dans ses rangs samedi dernier, soit le jour même de l'arrestation de Roberge. Le directeur Parent a confirmé aujourd'hui qu'il n'avait pas été mis au courant avant. «Si on décide qu'on n'a plus confiance (entre policiers), c'est le crime organisé qui va gagner», a répondu M. Parent à la question de La Presse.

L'ancien enquêteur spécialiste des motards Benoît Roberge fait face à quatre chefs d'accusation, dont gangstérisme. Il revient en cour demain pour demander sa mise en liberté sous conditions.

Photo Armand Trottier, archives La Presse

Benoît Roberge en 2000.