Déjà recherché depuis peu par la justice italienne dans un dossier de corruption, l'ex-homme d'affaires montréalais Farid Bedjaoui est désormais visé par un second mandat d'arrêt international, lancé cette fois par l'Algérie.

L'étau judiciaire se resserre donc autour de ce riche playboy quadragénaire diplômé de HEC Montréal. Celui qui a longtemps été, grâce à son carnet de relations bien garni, l'intermédiaire et le facilitateur incontournable pour de grandes firmes, dont SNC-Lavalin, dans leur chasse aux contrats en Algérie, est maintenant inculpé dans le cadre de l'affaire Sonatrach, société pétrolière et gazière nationale.

Un scandale de corruption qui prend une ampleur extraordinaire en Algérie, puisqu'il impliquerait aussi, selon la justice nationale, l'ex-ministre (2001-2010) de l'Énergie et des Mines Chakib Khelil. Ce dernier, qui serait réfugié aux États-Unis, est aussi inculpé et visé par un mandat d'arrêt international, a confirmé Belkacem Zeghmati, procureur général auprès de la Cour d'Alger, lors d'un point de presse.

Au total, 22 personnes sont accusées, pour des motifs comme corruption, infractions transfrontalières ou association de malfaiteurs.

Selon le quotidien El Watan, Farid Bedjaoui s'occupait «des négociations autour des montants des commissions» que devaient verser les entreprises qui souhaitaient faire affaire en Algérie dans le secteur de l'énergie.

Un milliard en contrats

Les fonds occultes transitaient entre autres par Pearl Partners Limited, entreprise contrôlée par Bedjaoui en Asie. Les pots-de-vin étaient ensuite reversés aux individus impliqués dans le stratagème.

Dans le cas de SNC-Lavalin, police et justice algériennes croient que les pots-de-vin versés à Bedjaoui auraient permis à la firme montréalaise d'obtenir des contrats d'une valeur de 1 milliard de dollars. Les locaux algériens de SNC ont d'ailleurs fait l'objet d'une perquisition le 27 mai.

Bedjaoui travaillait main dans la main avec Riadh ben Aïssa. L'ancien grand patron de la firme de génie pour la région Afrique du Nord est aujourd'hui incarcéré en Suisse pour corruption (en Libye), en plus d'être visé ici par un mandat d'arrêt de l'Unité permanente anticorruption relativement à l'enquête sur l'attribution du contrat de construction du Centre universitaire de santé McGill à SNC-Lavalin, scandale qui implique aussi Arthur Porter.

Farid Bedjaoui est aussi dans la ligne de mire de la justice italienne, la première à lancer un mandat d'arrêt contre lui. Selon une magistrate interrogée il y a quelques jours par le quotidien Corriere della Sera, la firme d'ingénierie Saipen aurait versé 198 millions d'euros en commissions occultes à la société contrôlée par Farid Bedjaoui, en contrepartie de 7 contrats pour un total d'environ 11 milliards de dollars. Un des destinataires finaux de ces rétrocommissions serait l'ex-ministre Khelil.

Dans le cadre de cette enquête pour «corruption internationale», le parquet de Milan est sur la trace - pour les saisir - de près de 125 millions de dollars cachés dans des comptes détenus par Bedjaoui à Singapour et à Hong Kong.

Farid Bedjaoui et ses deux frères sont à la tête d'un imposant parc immobilier à Montréal, où résident encore leurs parents, ainsi qu'à New York, Paris et Palma de Majorqu. Ils possèdent aussi un yacht de luxe et un jet privé. Pour le moment, aucune accusation n'a été portée contre lui au Canada.

Bedjaoui se trouverait actuellement à Dubaï, siège de ses sociétés Rayan Asset Management et OGEC, d'où il a déjà averti qu'il ne sombrerait pas seul.