Une enquête de la Gendarmerie royale du Canada (GRC) vient de provoquer un grand remue-ménage jusqu'au plus haut niveau du Service de police de la Ville de Montréal (SPVM) parmi des fidèles de l'ex-chef de police Yvan Delorme.

Deux officiers supérieurs ont été suspendus sans solde, tandis qu'un autre, un commandant, a été déplacé. Deux enquêteurs sont aussi plongés dans cette tourmente.

La décision a été prise par la direction après le transfert par la GRC au SPVM d'information obtenue lors d'une enquête sur la mafia qui ne serait pas close.

À la police de Montréal, on a indiqué lundi à La Presse que les policiers sont l'objet d'une «enquête disciplinaire» interne, sans confirmer leurs noms.

«Il y a aussi, dans certains cas, des allégations criminelles d'entrave à la justice», ajoute le commandant Ian Lafrenière.

Les trois policiers suspendus seraient l'inspecteur Jimmy Cacchione, responsable de la section du SPVM basée à l'aéroport Trudeau, l'inspecteur-chef Giovanni Di Feo, de la région Ouest, et l'enquêteur Tony Bianco, également basé à l'aéroport.

L'officier déplacé est le commandant Antonio Iannantuoni, nommé récemment à la tête de la Division des produits de la criminalité de la Division du crime organisé du SPVM.

L'identité du cinquième policier concerné, un enquêteur, n'a pas pu être validée hors de tout doute. Mais il se pourrait qu'il soit rapidement blanchi.

Selon plusieurs sources, l'enquête disciplinaire interne du SPVM s'intéresserait aussi à de supposées fréquentations douteuses de certains d'entre eux, à leur manque de loyauté, ce qui pourrait créer un «bris de confiance» avec leur employeur.

Fait à noter, Antonio Iannantuoni est le troisième commandant de la Division des produits de la criminalité à être forcé de quitter ses fonctions en deux ans. Au début de 2011, l'ancien commandant Alain Thibault avait été suspendu pour avoir fait de fausses déclarations aux douanes et son successeur, François Bouffard, avait fait l'objet d'une enquête pour une affaire de vente de terrains à Mascouche avant d'être blanchi.

Surnommés «les deux Tony», le commandant Iannantuoni et l'enquêteur Bianco avaient composé un duo très dynamique durant la vaste enquête antimafia Colisée.

Les inspecteurs Cacchione et Di Feo sont des proches de l'ancien chef Yvan Delorme et avaient créé, avec ce dernier, la Division des produits de la criminalité du SPVM.

Le contrat de BCIA

Selon nos sources, une partie de cette affaire concerne le scandale entourant l'octroi à BCIA, sous l'ère d'Yvan Delorme, des opérations de surveillance du quartier général du SPVM, rue Saint-Urbain. Une mission accordée sans appel d'offres ni contrat.

L'un des quatre policiers suspendus serait d'ailleurs le beau-frère de Luigi Coretti, ancien patron de BCIA.

Yvan Delorme, dont le contrat venait d'être renouvelé et même bonifié par l'administration Tremblay, a quitté ses fonctions le 3 mai 2010 à la surprise générale.

En 2011, La Presse avait raconté que l'ex-chef de police était l'objet d'une enquête menée en grand secret en 2009 et 2010 par une firme de sécurité privée mandatée par la Ville de Montréal.

Au cours de cette opération plutôt inusitée, il a pu être établi que M. Delorme connaissait Luigi Coretti de longue date. Ce dernier l'avait invité avant sa nomination à la tête du SPVM dans un chic restaurant italien. Les deux hommes se seraient revus ensuite, entre autres en 2010 au domicile lavallois hypersécurisé de Luigi Coretti.

De son côté, Le Devoir avait révélé qu'en 2009, le sous-ministre de la Sécurité publique, un certain Robert Lafrenière (aujourd'hui à la tête de l'UPAC), avait fait appel à la GRC pour se pencher sur le cas d'Yvan Delorme.

D'autres développements pourraient survenir bientôt.

- Avec la collaboration de Daniel Renaud