(Rochefort) La justice française a autorisé jeudi le coq Maurice, dont le cocorico matinal est devenu le symbole des traditions rurales, à continuer de chanter sur l’île touristique d’Oléron, rejetant la plainte des voisins qui l’accusaient de les réveiller dès l’aube.

« On leur a volé dans les plumes ! » : Corinne Fesseau, la propriétaire de Maurice, a poussé le cocorico de la victoire devant le tribunal de Rochefort qui a même condamné ses voisins à lui payer 1000 euros de dommages et intérêts et ses frais de justice.

Car dans son jugement, dont l’AFP a eu copie, le tribunal s’en réfère à un constat d’huissier, venu trois nuits de suite vérifier l’heure de réveil et le volume du chant de Maurice. Verdict, le volatile fait son travail au lever du soleil « de façon intermittente » entre 6 h 30 et 7 h seulement, et non pas dès 4 h comme l’accusaient les voisins, et à un niveau « simplement perceptible donc peu intense » une fois la fenêtre fermée.

Bref les voisins, un couple d’agriculteurs retraités de Haute-Vienne dont la maison d’Oléron est la résidence de vacances, sur la côte atlantique, n’ont pas établi la preuve d’une nuisance. Ils ont même « agi de façon abusive » en portant plainte, d’autant qu’ils « n’ont pas attendu réellement la possibilité d’une solution amiable », a tranché le tribunal.

« C’est une victoire pour tous les gens dans la même situation que moi. J’espère que cela fera jurisprudence pour eux », s’est félicitée Corinne Fesseau.  

« Tout le monde va être protégé derrière : les cloches, les grenouilles… Et pourquoi pas une loi Maurice pour protéger tous les bruits ruraux ? », a-t-elle ajouté. Une allusion aux autres querelles de voisinage liées au bruit qui émeuvent depuis quelque temps le monde rural en France, comme celle que le tribunal de Dax devra examiner en octobre, ciblant cette fois-ci les caquètements et gloussements de canards et d’oies en plein pays du confit et du foie gras.

« Team Maurice »

Article dans le New York Times, T-shirts « Let me sing » (Laissez-moi chanter) de la Team Maurice (Équipe Maurice), pétition pour « sauver Maurice » (140 000 signatures), le gallinacé de Saint-Pierre-d’Oléron est devenu en quelques mois le symbole de la ruralité menacée en France.

Au point d’amener le maire du petit village de Gajac, à 70 km de la ville de Bordeaux, à proposer le classement de ces bruits au patrimoine national et fonder l’association L’Écho de nos campagnes, pour « protéger notre monde rural et nos traditions ».

Lors de l’audience sur le cas du coq Maurice, le 4 juillet, une grande partie des débats avait porté sur la notion même de campagne.  

Me Vincent Huberdeau, avocat des plaignants, avait ainsi rejeté l’idée d’un procès « entre citoyens bobos et ruraux », estimant que Saint-Pierre-d’Oléron, avec près de 7000 habitants en hiver et 35 000 en été, n’est pas vraiment la campagne sur cette île vivant essentiellement du tourisme.

« Je ne suis pas une ville, je suis une petite commune », assurait pourtant le maire Christophe Sueur, volant au secours de Corinne Fesseau, issue d’une vieille famille de l’île d’Oléron. « On a toujours vécu avec des potagers, des poulaillers, on a une vie plutôt traditionnelle », insistait le maire.

Pour le géographe Jean-Louis Yengué, de l’université de Poitiers, ces querelles naissent d’abord de l’idée fausse qu’ont les nouveaux arrivants du monde rural. Chants et cris des animaux d’élevage, moteurs des moissonneuses batteuses ou tronçonneuses… « Le calme n’est pas le propre de la campagne », souligne-t-il.

Ces querelles de voisinage liées au bruit, « qui font les choux gras des médias » en France, ne sont pourtant pas les plus nombreuses dans le monde rural, relève l’expert qui cite comme conflits récurrents « tout ce qui tourne autour de l’utilisation des pesticides ».