Le philatéliste Brian Grant Duff se souvient encore de l'excitation qu'il a ressentie en manipulant ce qui était, jusqu'à présent, considéré comme l'un des deux seuls exemplaires du timbre canadien le plus rare.

Selon certains experts, ce timbre de deux cents à l'effigie de la reine Victoria vaudrait aujourd'hui jusqu'à 1 million de dollars.

Au début de la vingtaine, M. Duff a travaillé pour le collectionneur de Vancouver Daniel Eaton. Ce dernier a acquis le premier exemplaire du timbre rare auprès du grand collectionneur britannique Stanley Gibbons en 1986 et le second auprès du philatéliste de Winnipeg Kasimir Bileski en 1993. Pendant près de 90 ans, ces deux exemplaires ont été considérés comme étant les seules copies existantes du timbre.

M. Duff raconte qu'il a transporté l'un de ces fameux timbres dans une valise et l'a présenté dans des salons de philatélie en Colombie-Britannique, en Ontario et au Québec, sans toutefois réaliser complètement les risques de trimbaler quelque chose qui pourrait un jour valoir plusieurs centaines milliers de dollars.

«C'était simplement une bonne opportunité pour un jeune homme qui aimait les timbres, se rappelle l'homme maintenant âgé de 48 ans, qui exploite désormais son propre magasin d'objets de collection à Vancouver. Franchement, il n'y a pas eu un moment aussi important depuis dans ma vie professionnelle.»

Lorsqu'il a récemment entendu qu'un troisième exemplaire du timbre rare avait été découvert dans un album circulant entre collectionneurs et vendeurs, et qu'il avait été acheté plus tôt cette année par un collectionneur anonyme pour environ 5$, Brian Grant Duff a été abasourdi.

Apparemment, les membres de la Vincent Graves Green Philatelic Research Foundation, une organisation de recherche sur l'histoire de la poste sise à Toronto, ont été tout aussi surpris.

Après avoir passé des mois à analyser les 12 différents aspects de ce troisième exemplaire, qui est daté du 16 mars 1870 et affiche «des plis et une déchirure», la fondation a déclaré qu'il était authentique.

«Ils ont commencé à émettre ce type de timbres en 1868, explique M. Duff. Puisqu'il était daté de 1870, pouvait-il s'agir d'un faux? En fait, c'était trop beau pour être vrai, mais ils ont déterminé qu'il s'agissait d'un exemplaire véritable.»

Selon le philatéliste, le timbre vieux de 145 ans est rare parce qu'il constitue une anomalie. Le timbre vert orné d'un portrait de profil de la reine Victoria a peut-être été imprimé par erreur sur un type de papier qui n'était plus vraiment utilisé à l'époque.

M. Duff estime que de 100 à 400 timbres ont été imprimés sur ce type de papier. Ceux acquis par M. Eaton ont tous les deux été authentifiés par la Société royale de philatélie de Londres en 1935.

Le catalogue Unitrade spécialisé en timbres canadiens estime que ce timbre rare de la reine Victoria vaudrait désormais au moins 250 000$. Cependant, le philatéliste canadien Ron Brigham, qui vendra sa collection cet automne et qui possède l'un des exemplaires du timbre rare, a annoncé plus tôt cette année qu'il valait 1 million de dollars.

«C'est peut-être parce qu'il est très rare, note M. Duff. Même la découverte d'un troisième exemplaire ne nuira probablement pas à sa valeur sur le marché.»