Pour plusieurs Canadiens, le hockey, c'est sacré - et il pourrait bientôt y avoir un nouveau lieu sacré du hockey dans ce pays.

Lors d'un événement qui a changé sa vie, un cardinal canadien maintenant parmi les candidats comme prochain pape s'était fracturé une jambe sur une patinoire extérieure de Cadillac, un village du nord-ouest du Québec entre Rouyn-Noranda et Val-d'Or.

Le cardinal Marc Ouellet était un talentueux attaquant de 17 ans quand la lame d'un de ses patins s'est coincée dans une fissure lors d'un match extérieur. Et c'est au cours des semaines suivantes, en attendant que sa jambe guérisse, que M. Ouellet a pris la décision de devenir prêtre.

Les lieux de naissance, les demeures d'enfance et les églises des villages natals des anciens papes sont devenus des lieux de pèlerinage pour les chrétiens - et des lieux touristiques pour les passionnés d'histoire.

À Cadillac, il n'y a aucun indice permettant de savoir qu'une patinoire extérieure a déjà existé entre l'aréna de la communauté et une rangée de maisons mobiles.

Cependant, un résident se souvient de la vieille patinoire.

Normand Caron, âgé de 91 ans, a eu comme mandat de s'occuper de l'entretien de la patinoire pendant des années - notamment au début des années 1960, quand le jeune Ouellet s'est fracturé une jambe. M. Caron a raconté que le futur cardinal, originaire du village voisin de La Motte, venait souvent à Cadillac pour jouer contre l'équipe de son fils.

Il n'est pas surpris qu'une fissure dangereuse se soit créée dans «sa patinoire».

«C'est certain que dans ce temps-là, il y avait des craques dans la glace», a dit M. Caron en parlant de sa patinoire qui, au début des années 1960, était entretenue avec des pelles et en utilisant l'eau courante.

M. Caron était tout sourire quand on lui a parlé de la possibilité que sa glace en mauvaise condition ait peut-être lancé un jeune homme vers le Saint-Siège.

«Je crois que c'est magnifique, c'est beau», a-t-il dit, ajoutant qu'il ne se rappelle pas de la blessure de M. Ouellet.

«C'est pas moi qui décide ça (...) mais en même temps, je serais très heureux de voir ça.»

La patinoire était un lieu populaire de rencontre dans le petit village de Cadillac, qui a fusionné avec la ville de Rouyn-Noranda en 2002.

Roch Ouellet se souvient qu'il observait la partie par-dessus la bande quand son frère aîné s'est blessé.

«Il y avait une fissure dans la glace et son patin a pris dans la fissure, et le choc a été trop fort et il s'est cassé la jambe», a raconté Roch Ouellet, qui était alors âgé de 11 ou 12 ans.

Marc Ouellet avait été transporté chez une femme qui était la «ramancheuse» du village, puisqu'elle n'avait aucune formation en médecine. Elle avait remboîté sa jambe de manière rudimentaire et avait installé une attelle en bois.

«J'avais perdu ma saison», se rappelait le cardinal lors d'une entrevue accordée à La Presse Canadienne en 2005. «J'avais commencé à prier et à lire des choses un peu plus spirituelles parce que je ne pouvais pas jouer. Ç'a été un moment décisif vers ma vocation.»

«Un bon joueur de hockey»

Marc Ouellet, troisième enfant d'une famille de huit, a développé son savoir-faire en matière de hockey avec ses frères sur une patinoire dans la cour d'un de ses voisins et à l'intérieur du poulailler familial, dans lequel il y avait une section à aire ouverte qui n'était pas utilisée.

Roch Ouellet se souvient que les garçons n'avaient pas le droit de jouer au hockey sur la patinoire du voisin si les filles voulaient patiner.

Mais dans le poulailler, les garçons transformaient les filles en gardiennes de but.

«(Les filles) ont mangé quelques rondelles - elles ont mangé quelques rondelles par la tête», a admis Roch en riant, ajoutant que Marc avait aussi probablement participé à cette activité. «Marc était un peu mon idole. Il était vraiment un bon joueur de hockey.»

Lorsqu'il a atteint l'âge adulte, M. Ouellet a continué de jouer au hockey dans une ligue masculine à Val-d'Or, peu de temps après être devenu vicaire de l'église Saint-Sauveur là-bas.

Les anciens coéquipiers de M. Ouellet et ses vieux amis racontent que leur compagnon était béni d'une rare combinaison d'habiletés divines: un gros gabarit et de bonnes mains.

M. Ouellet pouvait non seulement bien passer la rondelle, il pouvait aussi marquer, se souvient Yvan Boucher.

«Il était très bon», a dit M. Boucher, qui a rencontré Marc Ouellet pour une première fois il y a plus de 40 ans. «Il aurait probablement pu avoir une très belle carrière (comme joueur) en raison de son gabarit. Il était très bon sur ses patins, très habile.»

MM. Ouellet et Boucher (qui brillait comme défenseur) ont aidé les Canadiens de Butch Shoe Store à remporter le championnat de la saison régulière de la ligue masculine de Val-d'Or en 1969.

M. Boucher avait invité M. Ouellet, alors âgé de 24 ans, à rejoindre l'équipe quelques mois après leur rencontre, juste avant que le jeune vicaire baptise sa fille. Leur amitié a été cimentée en grande partie par leur amour du hockey.

M. Boucher et sa femme, Claudette, disent que Marc Ouellet passe la nuit dans leur domicile de Val-d'Or une ou deux fois par année, habituellement à la fin de son passage dans la région pour visiter sa famille. Sa ville natale de La Motte est située à moins d'une heure de route de là.

M. Ouellet a passé une nuit chez les Boucher l'été dernier, mais ils l'ont aussi vu à La Motte la veille du jour de l'An.

Toujours passionné de hockey, le cardinal regarde parfois un match du Canadien de Montréal dans le salon des Boucher lors de la saison de la LNH.

Les Boucher ont une photo récente de M. Ouellet assis les jambes croisées sur leur canapé. Il a le regard intense, les yeux fixés sur le téléviseur, et semble avoir la bougeotte. M. Boucher soutient que la photo a été prise pendant que son ami regardait un match du Canadien, ce qui lui arrive rarement - voire pas du tout - quand il est à Rome.

«Il adore le hockey», a insisté M. Boucher, avant d'ajouter qu'ils parlent cependant moins de hockey depuis quelques années.

M. Ouellet, maintenant âgé de 68 ans, occupe un rôle important au Vatican, où il est responsable de la nomination des évêques et de la recommandation de ses choix auprès du pape. Avec le conclave papal qui débute mardi, il y a de bonnes chances qu'il soit le prochain à hériter du trône de Saint-Pierre.

«Le plus qu'il monte (dans l'Église), a admis M. Boucher, on a assez d'affaires à parler avec de toutes les sortes.»

Photo Paul Chiasson, La Presse Canadienne

Norman Caron