La chaleur est étouffante, mais qu'importe. Samedi, 200 000 Suisses ont bravé le soleil pour assister au tournoi national de «lutte à la culotte», un sport de bergers méconnu à l'étranger mais bien plus populaire dans la Confédération que le football.

Ce tournoi, organisé tous les trois ans, est considéré par les Suisses comme le plus important événement sportif du pays, qui se déroule cette année du 20 au 22 août dans la bourgade de Frauenfeld (nord) dans le cadre des grandes fêtes alpestres qui proposent également un concours de lancer de pierre ou encore du «hornuss», une sorte de base-ball avec des palettes en bois.

Pratique ancestrale des bergers, la «lutte à la culotte», qui doit son nom au bermuda de jute muni d'une ceinture que portent les lutteurs, devient plus populaire d'année en année, symbolisant la tradition et l'identité suisse qui cherche à s'affirmer dans un monde de plus en plus globalisé.

«La lutte est une combinaison idéale entre la tradition, le sport et le progrès», explique le directeur de l'Association fédérale de lutte suisse, Ernst Schlaepfer.

C'est «très suisse», abonde Eric Haldi, un lutteur qui se réjouit des «costumes traditionnels, cor des Alpes et chants» qui accompagnent l'événement.

«Ce n'est pas que du sport, c'est aussi du folklore», résume une spectatrice, Margrith, vêtue de la robe traditionnelle de Schaffhouse.

Reber Fritz et ses cinq amis, arrivés tôt samedi matin des environs de Zurich pour ne rien rater des combats, apprécient l'esprit des lieux. «Ce sport nous plaît car il y a une ambiance spéciale», explique M. Fritz, 66 ans.

Le verre à la main, ils suivent les matchs sur des écrans géants installés à l'extérieur de l'arène où ont été étalés des cercles de sciure d'une dizaine de mètres de diamètre et épais d'une quinzaine de centimètres où s'affrontent, sueur au front, les «Böse» (méchants), comme on les surnomme.

Les lutteurs sont vêtus de traditionnels habits de bergers et de la fameuse culotte qu'ils ne doivent pas lâcher chez leur adversaire. Chaque combat dure dix minutes où jambes s'entremêlent, corps s'envolent, s'arqueboutent et résistent jusqu'à ce que l'un des deux lutteurs se retrouve dos à terre.

Felix Hofstetter y assiste pour la première fois, et ça lui «plaît», assure-t-il, manifestement enthousiaste.

Ici, tout le monde est «fier d'être Suisse», comme l'indique le T-shirt rouge et blanc d'un jeune homme.

Outre le côté couleur helvétique rappelant les images d'Epinal, le succès de la lutte à la culotte s'est confirmé dans un monde où d'autres sports engendrent des excès, assurent certains.

«Ce sport est redevenu à la mode car il engendre peu de violence. Les gens en ont marre des sports à fric. Ici la publicité est interdite», explique un des responsables techniques de l'événement, Ruedi Schäfli.

Les 281 lutteurs sont d'ailleurs tous des amateurs, la plupart étant agriculteurs ou artisans. Ils n'en sont pas moins de véritables sportifs, dotés de musculatures d'athlètes, qui n'ont rien à envier aux footballeurs ou autres  rugbymen.

Mais rien à voir avec les sumos japonais. Le gabarit idéal pour la lutte à la culotte est de 1,85 cm pour une centaine de kilos.

«La force physique ne fait pas tout. Il faut être rapide et connaître bien les prises», souligne un journaliste sportif, Michel Bordier.

Faute de quoi, on finit rapidement la tête dans la sciure! Ce qui arrive plus souvent aux lutteurs de Suisse francophone, ce sport étant encore dominé par les Suisses alémaniques, relève-t-il.