À la veille de la Saint-Valentin, une pharmacie de Tallinn fondée en 1422 promet de soigner les coeurs brisés à l'aide d'une pâte d'amandes dont la recette date du Moyen Âge.

Située sur la place du marché du quartier historique de Tallinn, l'officine Raeapteek, ouverte depuis 588 ans, se vante d'être la plus ancienne d'Europe.

«Depuis le Moyen Âge», on y prépare et on y vend «une recette spéciale pour soigner les peines de coeur», explique à l'AFP Ulle Noodapera, une employée de la pharmacie.

«Nous fabriquons toujours cette pâte d'amande spéciale parce que la demande se maintient depuis des siècles et qu'il y a toujours des patients qui se présentent avec des symptômes de peine de coeur», ajoute-t-elle.

Sa recette exacte reste un secret soigneusement gardé.

«Il ne s'agit pas d'une pâte d'amande ordinaire, mais d'une pâte dont la recette date du Moyen Âge et qui contient 72% d'amandes et 28% d'autres ingrédients dont nous ne dévoilons pas la nature», explique Mme Noodapera.

La pâte d'amande mystérieuse, vendue un euro la portion de 40 grammes, n'est pas le seul moyen de voyager dans le temps dans ce quartier médiéval de la capitale estonienne.

Dans une pièce à part sont ainsi exposées des potions utilisées depuis des siècles pour leurs qualités miraculeuses: pattes de grenouille séchées, yeux de perche, sang de chat noir, lanoline extraite de laine de mouton sale, fragments d'une momie exotique, vers baignant dans l'huile, abeilles brûlées, tripes de loup et coeurs de lapin destinés à rendre la raison.

«On peut trouver cela drôle et ridicule mais il y avait toujours une raison pour laquelle ces produits étaient prescrits par un médecin et vendus à la pharmacie», dit Mme Noodapera.

«Par exemple, pour les personnes ayant des problèmes de vue on recommandait de la valériane parce que les chats, qui l'adorent, sont connus pour avoir une très bonne vue», poursuit-elle. La laine d'agneau appelée Rose, également en vente depuis le Moyen Âge, est elle utilisée contre le mal de dos.

L'histoire de la pharmacie Raeapteek se confond avec celle, multiculturelle, de la capitale estonienne à travers les siècles.

Fondée par le médecin allemand Johan Molner en 1422, elle est passée, à partir de 1580, aux mains d'un docteur hongrois nommé Johann Burchart Belavary de Sykava, dont la famille l'a dirigée pendant les trois siècles suivants.

Au cours de cette période, un club, où l'alcool coulait à flots, y a été adjoint.

«Pendant le Moyen Âge, la pharmacie fonctionnait un peu comme une sorte de club privé pour les responsables de la municipalité de Tallinn, qui aimaient s'y rassembler après les sessions de travail à la mairie», toujours située aujourd'hui de l'autre côté de la place du marché, explique Mme Noodapera.

«La possibilité de se rassembler à la pharmacie leur offrait plus d'intimité pour faire la fête que les pubs de la ville. Au Moyen Âge, la pharmacie vendait également de l'alcool, il y avait donc beaucoup de boissons pour réchauffer l'esprit», ajoute-t-elle.

Les propriétaires de la pharmacie étaient également obligés d'offrir gratuitement à la municipalité une certaine quantité d'alcool. Et l'on y vend toujours aujourd'hui un vin aux huit épices à 14 degrés d'alcool, le «Klaret».