Comme les journalistes de n'importe quel support, l'équipe du San Quentin News couvre les nouvelles générales, le sport et la scène locale des arts. Avec une différence: les rédacteurs sont des prisonniers.

Au départ du projet, beaucoup de gens regardaient ce journal avec dédain, se souvient son rédacteur en chef, Michael Harris. «Mais quand nous avons commencé à l'imprimer, la prison a saisi l'opportunité de coopérer, de raconter des histoires de son point de vue, et de faire savoir au reste du monde ce qui se passe ici» souligne Harris, incarcéré pour une durée de 25 ans pour tentative de meurtre.

L'idée est de transmettre un savoir aux prisonniers et d'informer la communauté, selon Rudy Luna, un responsable pénitentiaire et soutien du programme. «Beaucoup de questions en détention proviennent du manque d'information, et en leur faisant savoir que ce programme existe, nous pouvons les enrôler», explique le lieutenant Luna.

Les reporters de la prison de San Quentin ont peu d'outils du journalisme moderne à leur disposition, pas d'accès direct à Internet, pas de moyen de passer un appel téléphonique direct rapidement ni d'envoyer des mails. Ils ont aussi l'inconfort de côtoyer leurs milliers de lecteurs au quotidien.

Les plus critiques sont parfois les gardiens, sceptiques sur l'objectivité des rédacteurs, ou hostiles à l'idée de cette distraction offerte à des criminels endurcis. Toutefois, Pat LeSage, qui préside l'organisation des gardiens de prison à Sacramento, note que le journal interne de San Quentin n'est pas censuré par l'administration. Elle ne se prononce pas sur son utilité.

Le journal avait existé par le passé, mais plus depuis vingt ans. Son retour est à contre-courant, note James McGrath Morris, auteur de «Jailhouse Journalism». Une tradition de journaux de prisons existait depuis 1800 à New York, avec une interruption dans les années 1970. Les publications sont alors devenues plus mordantes, dans l'esprit du temps, et les établissements les ont considérés comme un problème. Il reste une trentaine de feuilles aujourd'hui. «Mais à moins de vouloir garder ces criminels enfermés pour toujours, un effort doit être fait pour leur réinsertion dans un monde où existe la liberté de presse et d'opinion», selon Morris.

Le San Quentin News est réalisé par quatre personnes, avec des contributions libres de tous les détenus qui le souhaitent. Le journal est imprimé sur place, et plié à la main, à 5.000 exemplaires. Les détenus reçoivent l'assistance de plusieurs bénévoles du métier, dont un journaliste retraité, Steve McNamara, ancien directeur et rédacteur en chef du Pacific Sun. Il est enthousiasmé par la volonté de collecter l'information, l'écrire et la présenter des prisonniers.

Le journal contient des nouvelles, des jeux, des poèmes et parfois des conseils utiles, comme la manière de refroidir une boisson avec une chaussette mouillée. Les numéros passés contiennent une interview d'un ex-détenu devenu activiste social, ou des compte-rendus de cours d'informatique. Le contenu est libre, même si McNamara reconnaît avoir empêché la publication d'un dessin jugé vulgaire.

Fondamentalement, le journal fonctionne suivant les critères de la presse classique, insiste son metteur en pages, Aly Tamboura. Avec une différence. Quand il est distribué, les lecteurs courent pour l'avoir.