Un pâté de maisons traversé par une route nationale, deux pubs, une église et le chômage qui fait son apparition: le petit village de Moneygall, dans le centre de l'Irlande, rêve de sortir de la léthargie depuis qu'il a été élu terre des ancêtres de Barack Obama.

C'est un champ vert chlorophylle, comme il en existe tant d'autres dans la bien nommée île d'Emeraude. Aucune ruine n'émerge de l'herbe grasse mais c'est ici, au milieu du village, que se dressait la cordonnerie de Fulmuth Kearney.

Vers 1850, tandis que la Grande Famine décime la population, ce modeste artisan vend son échoppe et émigre aux États-Unis, devenant l'aïeul de la mère de Barack Obama, explique le révérend Stephen Neill.

Le recteur de Moneygall se souvient comme si c'était hier de cet étrange coup de téléphone reçu en mai 2007 d'un généalogiste américain. «De but en blanc», l'expert lui annonce que Barack Obama pourrait bien avoir ses ancêtres dans sa paroisse. «Ça m'a vraiment fait frissonner».

Le révérend vérifie dans ses archives et découvre la preuve «irréfutable»: les certificats de baptême et de mariage.

La révélation de l'illustre descendance a donné des ailes au bourg endormi, qui n'est pour beaucoup qu'un point de passage sur la N7, la route reliant Limerick à la capitale Dublin. Aux milliers de véhicules qui traversent la municipalité dans un vacarme incessant, il ne faut que deux minutes pour relier le panneau «bienvenue» à son pendant «au revoir». Rare raison de s'arrêter, la station service a fermé, laissant des pompes rouillées et déglinguées.

Mais la petite communauté rurale de 299 habitants compte maintenant sortir de l'anonymat. Depuis que la providence Obama a frappé à sa porte, la mobilisation a été sonnée. On a hissé des drapeaux américains. On a planté à l'entrée du village une photo de l'illustre enfant au visage barré de son large sourire.

Et le jour de l'élection présidentielle, le 4 novembre dernier, le pub «Ollie Hayes» avait entassé dans sa petite salle une centaine de personnes pour une soirée spéciale largement couverte par des journalistes d'Europe et d'Amérique.

Mais ce n'est pas «dix minutes de gloire» qui vont mettre Moneygall sur le circuit touristique des nombreux Américains en visite sur l'île, souligne John O'Donovan, propriétaire du magasin «O'Donovan's» qui vend à peu près tout, de la nourriture pour chevaux aux bonbons pour enfants. «C'est à nous de créer quelque chose pour les touristes. Il n'y a rien ici».

«Des Américains passent mais au compte-gouttes», reconnaît Mighella Hayes, patronne du pub «Ollie Hayes», qui ajoute que la manne touristique serait la bienvenue à un moment où «la récession commence à frapper».

Guinness en main, Matthew Douglas opine de la tête. «J'ai besoin de toute l'aide qu'on peut me donner», explique le livreur de 50 ans, qui ne travaille plus que trois jours par semaine, crise oblige.

Des affiches annoncent bien l'ouverture prochaine d'un «Obama Café» mais le comté d'Offaly, dont dépend le village, voit plus grand. Sur le champ des ancêtres d'Obama, il étudie «la possibilité d'installer une sorte de musée, de monument», explique le conseiller Peter Ormond. «J'aimerais voir quelque chose d'ici deux ans, à temps pour une visite d'Obama. S'il se décide à venir», ajoute-t-il.

Le Premier ministre irlandais Brian Cowen, originaire du même comté, a invité le président américain, qui sera en visite dans l'île voisine, la Grande-Bretagne, à partir de mardi soir à l'occasion du sommet du G20.

Et l'ambassadeur américain a effectué en février une visite que tous les villageois croient préparatoire. Mais Moneygall attend toujours son illustre enfant, comme le messie.