On envoie le courant. Dans un parallélépipède de verre, sous des néons bleuâtres, l'homme s'agite, se contorsionne, crie, de la fumée sort de ses godillots puis sa tête retombe: ce simulacre d'exécution sur une chaise électrique a lieu au Luna Park de Fréjus (sud de la France) où elle ne fait pas rire tout le monde.

«Quand mon fils a vu ça, il est parti en courant. Une attraction comme celle-là n'a pas sa place ici», dit Sabrina, 28 ans.

Christelle, 42 ans, qui est venue en famille, est «toute retournée»: «il ne faut pas oublier qu'il y a des gens qui vivent ça. Ce n'est pas un sujet de plaisanterie», dit-elle.

La «chaise électrique» qui avait été interdite par la direction du Luna Park de Milan le mois dernier à la suite de protestations d'associations et de particuliers, appartient à Stéphane Camors, 40 ans, un forain qui se défend de vouloir faire passer un quelconque «message».

«C'est comme mon dragon ou mon King Kong, juste un décor de mon manège. Il n'y a aucun symbole, aucun message. N'y voyez surtout pas une apologie de la peine de mort. C'est juste un truc pour faire rire les gens», explique-t-il.

M. Camors dont le père était lui-même forain, est propriétaire d'un train fantôme, surmonté d'un dragon vert qui voisine avec un mort-vivant. Il a acheté l'attraction controversée pour 10 000 dollars, l'année dernière, dans un salon professionnel, à Orlando aux États-Unis, où des attractions encore plus «gore» étaient, paraît-il, exposées.

Vêtu d'une combinaison bleu clair, le mannequin dont le visage est recouvert d'une cagoule, est en latex. Il est actionné par un vérin hydraulique synchronisé. M. Camors déclenche le mécanisme à volonté mais de préférence, précise-t-il, quand il n'y a pas de petits enfants à proximité.

L'agonie dure environ une minute. Le visage est recouvert d'une cagoule. Des gens sortent leurs portables, d'autres filment (la scène circule sur internet). Certains rient. Beaucoup ne sont pas choqués du tout.

À la différence de son collègues milanais, le propriétaire du Luna Park de Fréjus Serge Dumont prend fait et cause pour son forain au nom de «la liberté d'expression».

«Chacun ses goûts, on ne peut pas empêcher certaines personnes de se réjouir et d'autres de s'offusquer. Cela fait partie de la liberté d'expression, tranche M. Dumont devant sa maisonnette, adjacente au Luna Park.

Il n'est pas besoin d'insister beaucoup pour que les passions suscitées par la peine de mort ressurgissent: «Ca va peut-être faire réfléchir certaines personnes. Il y a ceux qui prennent des vies, qui tuent des gosses, pourquoi nous, on ne ferait pas pareil ?», interroge Marie-Jeanne, 47 ans, vivement soutenue par une amie.

Le maire de Fréjus, Elie Brun, a lui exprimé son «mécontentement» et devait demander, dans un courrier adressé à M. Dumont, d'«interdire cette attraction».