Seulement trois sans-abri qui vivaient dans des tentes sous l’autoroute Ville-Marie, près du centre-ville de Montréal, ont pu être relocalisés dans des logements jusqu’à maintenant. Deux organismes qui les aident dans leurs démarches demandent au tribunal de repousser leur éviction jusqu’au 15 juillet afin de leur permettre de trouver des solutions pour loger huit autres campeurs.

Une juge de la Cour supérieure avait précédemment donné jusqu’au 15 juin au groupe d’itinérants pour quitter les lieux, afin de permettre au ministère des Transports du Québec (MTQ) d’effectuer des travaux de 38 millions sous l’autoroute.

Mardi, les représentants des sans-abri étaient de retour en cour pour demander un nouveau délai.

Les documents soumis par l’organisme Résilience Montréal au juge Pierre Nollet détaillent la situation des habitants du campement. L’un d’entre eux, un homme de 58 ans souffrant d’un cancer, a quitté sa tente lundi pour emménager dans un appartement à LaSalle, grâce au Programme de supplément au loyer (PSL). Une femme de 61 ans sera accueillie dans une unité de l’organisme Le Chaînon et bénéficiera aussi du PSL, tandis qu’un homme de 37 ans a accepté de s’installer temporairement dans un dortoir de la Mission Old Brewery en attendant un logement avec l’aide du PSL.

Le PSL est un programme qui permet aux bénéficiaires de payer un loyer correspondant à 25 % de leur revenu, le reste étant subventionné par le gouvernement.

« Besoin de temps »

Un couple, dont la femme de 42 ans est enceinte, devrait aussi pouvoir bénéficier du PSL par l’entremise de la Mission Old Brewery, mais il n’a pas encore trouvé d’appartement permanent ni temporaire pour se loger. Six autres campeurs, âgés de 44 à 69 ans, n’ont toujours pas non plus de logement où s’installer ; ils sont en train de compléter la paperasse nécessaire à leur participation au PSL. Quant à trois autres résidants des lieux, ils se sont montrés peu réceptifs à obtenir de l’aide pour délaisser leur tente.

« Nous avons besoin de temps pour poursuivre les démarches pour le relogement, puisque nous pouvons démontrer qu’elles sont bien entamées », a fait valoir MHelena Lamed, l’avocate de la Clinique juridique itinérante, qui a entrepris les démarches judiciaires au nom des habitants du campement.

Évincer les personnes vivant dans le campement, sans solution de logement, met en danger leur vie et leur sécurité, qui sont des droits garantis par la Charte [canadienne des droits et libertés].

MHelena Lamed

Selon le directeur de la Clinique juridique itinérante, Donald Tremblay, les démarches se sont accélérées pour trouver des logements aux sans-abri à la suite d’une réunion entre des intervenants des CIUSSS du Centre-Ouest et du Centre-Sud-de-l’Île-de-Montréal avec Résilience Montréal, le 18 mai dernier.

« Mais c’est difficile de trouver des logements dans la situation actuelle de pénurie, il faut accompagner les gens dans les démarches à faire, les aider à trouver des meubles, etc. », souligne MTremblay.

Retard de 2 millions

Selon l’avocate du MTQ, Marie Couture-Clouâtre, les retards dans la réalisation des travaux occasionnés par la présence des sans-abri entraînent des coûts de près de 2 millions pour les contribuables québécois. Et cette somme pourrait encore gonfler puisque l’entrepreneur chargé du chantier a informé le MTQ qu’il avait l’intention d’entreprendre des recours en raison des délais, a-t-elle révélé.

Le gouvernement n’aurait-il pas dû utiliser ces fonds pour répondre aux besoins des habitants du campement ? a demandé le juge Nollet. « C’est l’État qui paie de toute façon. Même si on prenait 1 million pour les aider, l’État serait gagnant », a-t-il avancé.

Selon MCouture-Clouâtre, il aurait été injuste de trouver en priorité des logements aux sans-abri du campement, alors que Montréal compte des milliers d’itinérants.

« Les programmes sociaux existent, les ressources sont là, et on peut trouver des solutions quand on y met l’énergie nécessaire », note l’avocate, qui a déploré le fait que les démarches de relogement n’aient pas été entreprises avant.

« Il y a des risques et dangers imminents sur la structure, un haut risque de chute de béton », ajoute-t-elle, citant les rapports des ingénieurs du Ministère. « Si quelque chose survient, c’est le Ministère qui est responsable. »

C’est pour cette raison que le gouvernement s’oppose au délai demandé. L’intérêt public exige que les travaux soient réalisés le plus rapidement possible sur la structure vieillissante, où circulent environ 100 000 véhicules chaque jour, indique l’avocate.

L’histoire jusqu’ici

Début novembre 2022

Une quinzaine de sans-abri ayant planté leur tente sous l’autoroute Ville-Marie reçoivent un avis d’éviction du ministère des Transports du Québec (MTQ), qui va y entreprendre un chantier majeur. L’avis est levé le 9 novembre, mais aucune nouvelle date n’est fixée.

Début mars 2023

Les campeurs sont sommés de quitter les lieux à la fin du mois. La Clinique juridique itinérante dépose donc une demande d’injonction pour leur permettre d’y demeurer jusqu’au 15 juillet 2023, le temps de leur trouver des logements permanents.

24 avril 2023

La Cour supérieure donne aux campeurs un sursis jusqu’au 15 juin 2023. Le MTQ annonce qu’il démarre le chantier dans les zones où il n’y a pas de danger pour les campeurs.