La construction projetée du nouveau siège social d’une entreprise sur des terrains du Technoparc Montréal abritant des milieux naturels que l’administration Plante s’était engagée à protéger suscite l’inquiétude d’un groupe de citoyens.

Le projet entraînerait une « perte de biodiversité » et fragmenterait les espaces verts situés au nord de l’aéroport Montréal-Trudeau, déplore le groupe Technoparc Oiseaux, qui s’inquiète notamment pour le « complexe de milieux humides » qui se trouve sur le site.

L’entreprise Hypertec, qui se décrit comme le plus important manufacturier de produits technologiques au Canada, se dit consciente de la valeur écologique des lieux et ambitionne de construire « le projet le plus durable au monde », a déclaré à La Presse son chef de l’innovation et du développement durable, Eliot Ahdoot.

IMAGE FOURNIE PAR HYPERTEC

Aperçu du projet de siège social de l'entreprise Hypertec dans le Technoparc Montréal, au nord de l'aéroport Montréal-Trudeau

« On prend ça vraiment au sérieux », assure-t-il, expliquant vouloir réduire au minimum l’impact de la présence éventuelle de l’entreprise sur le terrain dont elle a fait l’acquisition en avril dernier, qui est composé de trois lots contigus situés entre le chemin Saint-François et la rue Alexander-Fleming.

« On ne veut pas toucher les zones humides [identifiées sur le site], si possible », illustre M. Ahdoot, ajoutant que s’il devait être nécessaire de le faire, l’entreprise compenserait les milieux humides perdus en les reconstituant « pied carré par pied carré » ailleurs sur son terrain.

Hypertec s’engage aussi à ce qu’il y ait plus d’arbres sur le terrain après la construction de son bâtiment de 18 500 mètres carrés (200 000 pieds carrés) qu’avant, notamment en installant un toit végétalisé doté d’espaces de nidification pour les oiseaux.

L’entreprise dit avoir mandaté des firmes spécialisées pour réaliser des inventaires fauniques et floristiques sur le site, afin de prendre les mesures nécessaires pour les protéger.

On va prendre toutes les couleuvres sur le terrain, on va les [placer] dans une zone de conservation et on va s’assurer qu’elles ne viennent pas sur le territoire pendant qu’on construit.

Eliot Ahdoot, chef de l’innovation et du développement durable chez Hypertec

« Ce sont des mesures pour s’assurer qu’on protège la vie et la biodiversité sur le site non seulement après la construction, mais aussi durant la construction », ajoute M. Ahdoot.

Le bâtiment, qui en est aux toutes premières étapes de planification et qui doit encore obtenir les autorisations requises de la Ville de Montréal et du ministère de l’Environnement, de la Lutte contre les changements climatiques, de la Faune et des Parcs, promet aussi de recourir à différentes technologies vertes : géothermie, énergie solaire, réutilisation des eaux grises ou encore captation des eaux pluviales.

Construire ailleurs

Le fait qu’Hypertec veuille construire un bâtiment écologique « ne change pas la donne », répond Katherine Collin, de Technoparc Oiseaux, un groupe de citoyens voué à la défense des milieux humides et espaces verts de Montréal.

« Mettre un siège social et minéraliser un terrain déjà très fragilisé est inacceptable, dit-elle. Ce qu’ils veulent faire va fragmenter un site naturel. »

Le terrain acheté par Hypertec est un ancien marais, asséché par une digue que le groupe Technoparc Oiseaux milite pour faire ouvrir, souligne Benoit Gravel, un autre membre du groupe.

C’est le pire endroit où ils pourraient construire.

Benoit Gravel, Technoparc Oiseaux

Technoparc Oiseaux voudrait que la Ville de Montréal offre un échange de terrain à l’entreprise pour qu’elle s’installe ailleurs ; Hypertec dit avoir eu des échanges avec la Ville à ce sujet, mais que les terrains proposés étaient trop petits pour ses besoins.

L’entreprise assure que son implantation maintiendra une connectivité biologique entre les milieux naturels situés de part et d’autre.

L’objectif n’est « pas de tout raser », mais bien de garder le plus d’espaces verts possible, assure Eliot Ahdoot. « On veut s’intégrer à la nature, pas l’envahir. »

Protection amorcée

Le parti de la mairesse Valérie Plante avait promis durant la campagne électorale de 2021 de protéger les milieux naturels du Technoparc Montréal, rappelle le groupe Technoparc Oiseaux, qui déplore le « peu de progrès » réalisés à ce chapitre.

« Notre engagement est clair : protéger la biodiversité au sud du Technoparc en agrandissant le parc-nature des Sources », a réitéré la vice-présidente du comité exécutif, Caroline Bourgeois, dans une déclaration écrite transmise à La Presse.

« On a été très proactifs en ce sens dans les derniers mois », ajoute-t-elle, soulignant avoir protégé les terrains appartenant à la Ville.

PHOTO HUGO-SÉBASTIEN AUBERT, LA PRESSE

La Ville de Montréal a un droit de préemption sur un deuxième lot acheté par Hypertec en avril.

Elle n’a toutefois pas expliqué pourquoi la Ville n’avait pas protégé les terrains privés ni pourquoi elle ne s’est pas prévalue du droit de préemption dont elle dispose sur un second terrain acheté par Hypertec en avril – l’entreprise explique l’avoir acheté du même propriétaire que le premier, qui souhaitait vendre l’ensemble.

Ce second terrain, pour lequel Hypertec dit n’avoir aucun projet de développement, jouxte le Champ des monarques, un autre milieu naturel appartenant celui-là au gouvernement fédéral, qui a fait l’objet de différentes controverses dans les dernières années avec la construction projetée puis annulée d’une usine de l’entreprise Medicom ou sa fauche par Aéroports de Montréal, actuel locataire des lieux.

En savoir plus
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    Nombre d’espèces d’oiseaux observées dans les milieux naturels de Technoparc Montréal
    source : eBird (base de données du Cornell Lab of Ornithology)