Le nouveau report de l’antenne Rive-Sud du Réseau express métropolitain (REM) a été accueilli en demi-teintes, mercredi, entre inquiétudes et appels à la prudence dans un contexte inflationniste et imprévisible. Dans l’industrie, on se dit toutefois déjà prêt à lancer la machine, peu importe quand le système de train léger verra le jour.

« C’est sûr qu’on est déçus. Notre crainte, c’est que si on ouvre en juillet pendant que tout le monde est en vacances, on ne se donne pas la chance d’avoir de bons chiffres d’achalandage », lance Sarah Doyon, la directrice générale de Trajectoire Québec, qui représente les droits des usagers du transport collectif.

Elle dit toutefois comprendre qu’il vaut mieux reporter le lancement si le système n’est pas encore fin prêt. « La réalité, c’est qu’on ne peut pas se permettre d’arriver avec une infrastructure qui n’est pas fiable. On perdrait vraiment plus d’adhésion si on ouvrait un système qui plante, qui tombe en panne régulièrement. Les gens associeraient le REM à une image de non-fiabilité », plaide Mme Doyon.

Celle-ci s’inquiète aussi que le coût total du projet risque de dépasser les 7 milliards de dollars annoncés, une hausse d’au moins 30 % ne pouvant être exclue, selon nos informations.

Ça va devenir une facture impressionnante, mais on n’est pas étonnés vu l’inflation et la surchauffe dans le marché. […] L’idée de donner le projet à CDPQ Infra était justement de le faire dans les temps et les budgets, donc ça montre surtout que le problème n’est pas nécessairement le porteur de projet.

Sarah Doyon, directrice générale de Trajectoire Québec

« On a hâte que ce soit mis en service, on est même impatients, mais le plus important est que ça se passe bien au moment de la mise en service », évoque aussi le coordonnateur de l’Alliance pour le financement des transports collectifs au Québec (TRANSIT), Samuel Pagé-Plouffe.

Son groupe affirme que la situation « devrait nous inciter collectivement à appeler à la responsabilité des décideurs dans les choix des projets ». « Le PQI [Plan québécois des infrastructures] est passé de 100 milliards à 150 milliards en quelques années. Le gouvernement a énormément bonifié les projets d’infrastructures, sauf qu’on sait que ça contribue à accentuer l’inflation. Il faut faire particulièrement attention à ne pas faire des projets qui sont injustifiés, dont des chantiers d’augmentation de la capacité routière », note M. Pagé-Plouffe.

Le réseau « fin prêt »

Peu importe la date d’entrée en service du REM, le réseau, lui, sera prêt, affirme l’Autorité régionale de transport métropolitain (ARTM). « La refonte des réseaux de bus exo, RTL et STM se déploiera en fonction de la date de mise en service du REM. Les escouades terrain sont formées et la campagne d’information est prête », assure son porte-parole, Simon Charbonneau.

Il rappelle que la tarification est aussi « déjà intégrée » au REM depuis l’adoption des « titres métropolitains », qui permettent de payer selon le nombre de zones empruntées, tant pour le métro que les bus et le nouveau train léger de CDPQ Infra.

Une chose reste toutefois à faire, précise M. Charbonneau : la finalisation du planificateur de trajets Chrono, qui « sera prêt dès que nous recevrons les GTFS de Projetco », la firme d’architectes derrière le projet du REM. À noter : le GTFS, pour « General Transit Feed Specification », est une technologie permettant notamment de communiquer en direct les horaires aux usagers, comme dans le métro de Montréal.

Chez exo, la directrice à l’expérience client, Marie Hélène Cloutier, se prépare aussi depuis plusieurs mois déjà à l’arrivée du REM sur la Rive-Sud.

Notre offre locale va augmenter. On va servir des endroits où il n’y avait jusqu’ici pas de service, dans des zones industrielles, des centres commerciaux, des centres de services de santé. Avec le rabattement vers le REM, la table est vraiment mise chez nous pour avoir une offre alléchante pour les usagers.

Marie Hélène Cloutier, directrice à l’expérience client, exo

Son groupe a d’ailleurs bon espoir que la refonte du réseau de bus qui sera engendrée par l’arrivée du REM « se traduira en acquisition de nouveaux clients ». « On s’attend à ce que la croissance [de l’achalandage] vienne, ça, c’est sûr. C’est mathématique : cette refonte-là nous a permis aussi d’élargir notre offre de service, d’augmenter les fréquences », indique Mme Cloutier.

Le son de cloche est le même à la Société de transport de Montréal (STM), qui se dit entièrement « prête pour le début du REM ». « Nous attendons seulement la date officielle pour les mises en place finales », soutient sa porte-parole, Isabelle Tremblay.

« On est fin prêt pour la mise en service de l’antenne Rive-Sud du REM. Nous l’étions depuis l’automne, à la première date annoncée, et nous le sommes toujours », confirme aussi de son côté la cheffe aux communications du Réseau de transport de Longueuil (RTL), Aline Pinxteren.

L’histoire jusqu’ici

  • 20 octobre 2022 : La mise en service de l’antenne sud du REM, prévue le 1er décembre de la même année, est reportée au printemps. Il s’agit alors du deuxième report du projet.
  • 21 avril 2023 : CDPQ Infra tempère les attentes : s’il n’y aura assurément « pas de troisième report », les usagers devront toutefois prévoir une « période de rodage » des nouveaux systèmes jusqu’en septembre.
  • 17 mai 2023 : La mise en service du REM entre Brossard et la gare Centrale de Montréal est à nouveau reportée de quelques jours, voire quelques semaines.