Prévue d’ici la fin du printemps, la mise en service du Réseau express métropolitain (REM) entre Brossard et la gare Centrale de Montréal est reportée de quelques jours, voire quelques semaines, a appris La Presse. L’étape cruciale de « marche à blanc » n’est même pas commencée. Le coût total du projet sera dévoilé après les premiers départs : il dépassera les 7 milliards de dollars annoncés jusqu’ici, alors qu’une hausse de 30 % ne peut être exclue.

Selon nos informations, les tests pour s’assurer de la fiabilité du système sont plus longs que prévu, mais ne laissent pas croire qu’un problème majeur se présente. L’intégration de l’ensemble des composants du système s’avère un processus complexe.

Pas encore lancée, la « marche à blanc » est toutefois imminente : cela signifie que l’on fera fonctionner le train automatisé comme s’il était en service, mais sans usagers à bord. CDPQ Infra a déjà dit publiquement que son objectif était d’obtenir un taux de fiabilité globale supérieure à 95 % pendant au moins 10 jours consécutifs.

Ce n’est qu’après cette marche à blanc, considérée comme une répétition générale, que la date de mise en service du REM sera confirmée. Il est acquis que ce sera finalement au début de l’été, quelques jours ou quelques semaines après la fin du printemps, selon nos informations.

Le porte-parole de CDPQ Infra, Jean-Vincent Lacroix, n’a voulu ni confirmer ni infirmer ces informations. Il a refusé de s’avancer sur une date précise. Il s’est limité à une déclaration écrite : « Nous y sommes presque. Comme vous pouvez voir, les voitures du REM sont partout sur le réseau et nous sommes dans la phase très intensive des derniers tests, mais, ce qui importe d’abord et avant toute chose, c’est que l’expérience des usagers soit optimale à partir du premier passage. Lorsque nous aurons cette certitude, il nous fera plaisir de communiquer une date précise, mais ça approche à grands pas. ».

CDPQ Infra est soumise à une obligation légale de prévenir au moins 30 jours à l’avance différents partenaires du moment où le train sera en service – dont les sociétés de transport qui doivent rabattre les usagers de leurs autobus vers les stations du REM. À l’approche du 21 mai, la pression était grande pour confirmer le premier départ du train. Ce préavis se fera plus tard compte tenu du report de l’échéancier de quelques jours ou quelques semaines. Cela aura lieu durant ou après l’étape de la marche à blanc, lorsque CDPQ Infra aura la garantie que son système est fiable.

Le 16 avril, le PDG de la Caisse de dépôt et placement, Charles Emond, a déclaré sur le plateau de Tout le monde en parle que « jusqu’à présent, rien [n’]indique que l’échéancier du printemps 2023 – le printemps va jusqu’au 20 juin – ne va pas tenir. Pour l’instant, tout est dans le sens du calendrier qu’on a donné ». « On est assez confiants, mais il reste des tests à faire », ajoutait-il, précisant que la mise en service aurait lieu « un vendredi ».

Saison « favorable »

La ministre des Transports, Geneviève Guilbault, a décliné une demande d’entrevue pour commenter ce nouveau report. Son cabinet a renvoyé la balle à CDPQ Infra tout en disant avoir « très hâte à la mise en service du REM ».

De son côté, Michel Archambault, professeur émérite au département d’études urbaines et touristiques de l’Université du Québec à Montréal (UQAM), a insisté sur l’importance de ne pas rater son coup.

« Sur le plan stratégique, ils [CDPQ Infra] sont mieux d’être certains que le REM fonctionne quand c’est mis à on. Sinon, c’est la notoriété et la réputation du projet qui vont en prendre un coup. »

On va leur pardonner les retards, mais on ne leur pardonnerait pas un échec avec des pépins après la mise en service. Ils ont encore le bénéfice du doute de nous faire accepter des retards parce qu’il faut compléter des tests de validation.

Michel Archambault, professeur émérite au département d’études urbaines et touristiques de l’UQAM

M. Archambault souligne que l’été est la saison idéale pour mettre en service le REM.

« C’est intéressant à l’été parce que la saison est favorable. Les conditions climatiques sont au zénith et il y a moins d’achalandage avec les vacances. Ce qui est important pour moi, c’est que le REM fonctionne bien à la rentrée en septembre parce qu’on aura les écoles, l’activité économique et tout le reste. »

Coûts à la hausse

La facture totale du REM sera dévoilée lors de la mise en service du premier tronçon. Elle sera plus élevée que les 7 milliards annoncés jusqu’ici.

Selon nos informations, on ne peut exclure une hausse de 30 %, environ 2 milliards de dollars. Ce seuil de 30 % serait la moyenne d’augmentation pour des projets similaires. Selon nos informations, CDPQ Infra chercherait à faire en sorte que la hausse du coût de son projet ne franchisse pas ce seuil. Elle n’a pas voulu commenter cette information. Au lancement du projet en 2016, le coût était estimé à 5,5 milliards.

La hausse de la facture sera assumée par la Caisse, qui s’attend à un bénéfice de 8 % sur son investissement. Il n’y aurait pas d’impact sur la redevance d’environ 75,3 cents du passager-kilomètre pour 2023 que l’Autorité régionale de transport métropolitain (ARTM), financée par Québec et les municipalités du Grand Montréal, doit verser à CDPQ Infra.

Le premier tronçon du REM s’étend sur 16,6 km entre Brossard et la gare Centrale et comprend cinq stations. Au total, le REM fera 67 km et comportera 26 stations. La mise en service des segments en direction de Deux-Montagnes et de l’ouest de l’île de Montréal est toujours prévue pour la fin de 2024. Pour ce qui est du tronçon vers l’aéroport, l’horizon est 2027.

Ce qu’ils ont dit

Un autre report ! La mise en service du REM est encore repoussée. Il est grand temps que la ministre des Transports prenne ses responsabilités pour s’assurer que l’échéancier soit respecté.

André A. Morin, critique libéral en matière de transports

Je comprends que la Caisse de dépôt ne veut pas manquer son coup, mais c’est décevant pour les gens qui attendent ce projet depuis belle lurette. […] J’ai également hâte de voir l’analyse complète du coût total du projet.

Etienne Grandmont, critique solidaire en matière de transports

La promesse de la CDPQ était de respecter les délais et le coût du projet du REM. Ces deux prétendus avantages de la formule CDPQ, ces engagements n’auront pas été respectés, même si on avait offert à la CDPQ des pouvoirs et un contexte favorable.

Joël Arseneau, critique péquiste en matière de transports

Nous sommes confiants que CDPQ infra travaille sans relâche pour livrer un produit fiable et de qualité. La population métropolitaine a de hautes attentes envers ce projet.

Sophie Mauzerolle, responsable des transports à la Ville de Montréal

Nous prenons acte de l’annonce du report de la mise en service du REM. Le Réseau de transport de Longueuil (RTL) s’adaptera en conséquence.

Catherine Fournier, mairesse de Longueuil

Avec Henri Ouellette-Vézina et Julien Arsenault, La Presse

En savoir plus
  • 21 jours
    Durée de la période d’essais finaux à Ottawa pour le fonctionnement de la phase 2 du métro léger O-Train. La phase initiale est en service après de multiples retards.
    Source : Ville d’Ottawa