La création du Quartier international de Montréal a été l’une des pierres angulaires de la renaissance du centre-ville de la métropole. Deux de ses « pères » se félicitent de le voir atteindre l’âge adulte, mais déplorent que son entretien par la Ville ne soit pas à la hauteur des lieux.

Les projets immobiliers de prestige s’y sont multipliés depuis 2003, pendant que le mobilier urbain conçu sur mesure et les matériaux soigneusement choisis se dégradent. Montréal reconnaît faire face à « un défi » d’entretien.

Situé entre le Vieux-Montréal et le centre-ville, ce coin de la métropole a été complètement réimaginé dans les années 1990 et 2000, après des décennies de désolation. L’idée était de réparer les cicatrices laissées par la construction du tunnel Ville-Marie – en tranchée à cet endroit – et ses importantes expropriations qui l’avaient balafré.

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Le mobilier urbain se dégrade à vue d’œil dans le Quartier international.

Quand le Palais des congrès s’est installé au-dessus de l’autoroute en 1983, les congressistes qui mettaient le nez dehors avaient droit une vision bien triste de Montréal : « des parkings partout », se rappelle Clément Demers, en faisant visiter La Presse.

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Clément Demers est l’un des pères du Quartier international.

Ça n’avait pas d’allure comme environnement. C’était l’image de Montréal !

Clément Demers

Professeur d’architecture à l’Université de Montréal, M. Demers était à la tête de la société Quartier international, chargée de coordonner la renaissance des lieux. En plus des contributions des différents ordres de gouvernement, les entreprises et propriétaires fonciers installés dans le secteur ont eux aussi accepté de contribuer financièrement au projet, une rareté.

Objectif : créer « un quartier de calibre mondial », une vitrine pour la métropole. La firme d’architecture Daoust Lestage et le designer industriel Michel Dallaire étaient à la table à dessin.

« Remarquez, partout le pavé va jusqu’aux murs, alors qu’ailleurs à Montréal ça se termine à la limite de propriété de la Ville », explique-t-il, doigt tendu, rue Saint-Alexandre. « Et il n’y a rien en fond de trottoir. Tout le mobilier urbain est ici [sur le bord de la rue]. Donc les trottoirs sont beaucoup plus larges, beaucoup plus agréables. La signalisation est minimale. Tout est sur les lampadaires. »

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La sculpture de Roseline Granet Le grand Jean-Paul, représentant l’artiste québécois Jean Paul Riopelle, se trouve dans le Quartier international.

Plutôt qu’enlaidir le paysage comme ailleurs en ville, les équipements techniques sont largement dissimulés : sous terre pour ceux qui alimentent la sculpture-fontaine La Joute, de Riopelle, ou dans le mobilier urbain pour d’autres.

« Regrettable »

Mais à seulement 20 ans, le Quartier international commence déjà à porter les traces du temps.

« Les bancs sont brisés, les lampadaires sont pleins de collants, le pavé uni est brisé partout sur les trottoirs à cause de l’équipement utilisé par la Ville », regrette Richard Hylands, président de l’Association des riverains du Quartier international de Montréal. Le promoteur immobilier est associé au projet depuis ses débuts.

Il n’y a pas une poubelle qu’on a installée qui reste fonctionnelle. Le mobilier est en mauvais état en ce moment. C’est regrettable pour ce que ça a coûté.

Richard Hylands, président de l’Association des riverains du Quartier international de Montréal

Et ce que ça a coûté, M. Hylands le sait : une partie du quartier a été bâti grâce aux cotisations spéciales que ses membres ont accepté de payer sur 20 ans. Ces versements se terminent justement ces mois-ci.

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Dans le Quartier international de Montréal, le revêtement du trottoir est endommagé à beaucoup d’endroits.

« On avait signé le protocole d’entretien avec la Ville, qui était la base de la contribution des promoteurs, mais la Ville n’a jamais respecté l’entretien spécial qui était supposé être fait », a-t-il ajouté.

Clément Demers est beaucoup moins virulent, mais remarque lui aussi qu’il y a « place à l’amélioration » dans l’entretien. Il ajoute être « attristé » quand il voit des ajouts disparates au quartier – bollards pour des pistes cyclables, chargeurs pour autos électriques – pour lesquels aucun travail d’harmonisation visuelle ne semble avoir été effectué.

Un « défi »

Responsable de l’urbanisme à l’hôtel de ville de Montréal, Robert Beaudry se dit fier que Montréal puisse jouir d’un secteur comme le Quartier international.

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La Ville de Montréal reconnaît faire face à « un défi » en lien avec l’entretien du mobilier urbain.

« On a réussi à fédérer un noyau assez fort au niveau économique international, avec des sièges sociaux, des organisations internationales dans le secteur. Des places magnifiques ont été aménagées, c’est un quartier très intéressant et toujours en évolution », a-t-il expliqué en entrevue téléphonique.

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Robert Beaudry, responsable de l’urbanisme à l’hôtel de ville de Montréal

C’est un quartier mixte, avec des résidants et des places d’affaires, vraiment à l’image de Montréal.

Robert Beaudry, responsable de l’urbanisme à l’hôtel de ville de Montréal

Quant à l’entretien des lieux, Robert Beaudry reconnaît que la Ville fait face à « un défi ».

Le mobilier urbain conçu sur mesure pour le quartier est très beau, mais « ça vient avec de gros, gros, gros défis pour son remplacement et son entretien », a-t-il dit. « Parfois, il y a des composantes qu’on a du mal à trouver sur le marché. Parfois, il y a des choses qui vont se dégrader plus vite que prévu. C’est difficile, c’est complexe. »