(Québec) Le coût des travaux d’infrastructure est en hausse partout, mais on atteint ici un seuil exceptionnel : la facture pour reconstruire le pont de l’Île-aux-Tourtes dans l’ouest de la métropole s’élèvera à près d’un milliard de plus que prévu, une flambée de 65 %. Les pépines s’activeront dès cet été.

Lundi, le gouvernement Legault annoncera officiellement la conclusion du contrat pour remplacer ce pont de l’autoroute 40 qui franchit le lac des Deux Montagnes, entre Senneville et Vaudreuil-Dorion. Il se félicitera d’être parvenu à écourter de 18 mois le processus de planification du projet, comme il l’avait promis l’an dernier.

L’annonce sera faite par la ministre responsable de la région de la Montérégie, Suzanne Roy, et la députée de Soulanges, la caquiste Marilyne Picard. Elles préciseront que les travaux débuteront cet été.

La facture totale pour remplacer ce pont de deux kilomètres passe à 2,3 milliards, selon une source sûre qui n’avait pas l’autorisation de parler publiquement du dossier.

Il y a un peu plus d’un an, le gouvernement prévoyait que le coût serait de 1,4 milliard. Le Conseil du trésor avait autorisé cette dépense « maximale ».

PHOTO EDOUARD PLANTE-FRÉCHETTE, ARCHIVES LA PRESSE

La ministre des Transports du Québec, Geneviève Guilbault

Or la ministre des Transports, Geneviève Guilbault, a dû reprendre le processus d’autorisation après avoir obtenu les résultats de l’appel d’offres. Le prix tournait autour des deux milliards, comme La Presse le révélait en février1.

Québec confirmera lundi que le Groupe Nouveau pont Île-aux-Tourtes décroche le contrat. Ce consortium est formé de Roxboro Excavation, Construction Demathieu & Bard et Dragados Canada – filiale du géant espagnol de la construction ACS qui a participé au projet de nouveau pont Samuel-De Champlain, entre autres.

Le contrat est d’une valeur de tout près de deux milliards de dollars. D’autres coûts sont assumés par l’État, comme des honoraires professionnels, des expropriations et certains autres travaux. C’est ce qui amène l’estimation totale du projet à 2,3 milliards, selon les explications fournies à La Presse.

Une « identité distinctive »

Le projet consiste à construire un nouveau pont au nord de l’infrastructure actuelle, qui sera ensuite démantelée. Dans chaque direction, il y aura trois voies de circulation pour les automobiles et les camions, de même qu’un accotement de quatre mètres pouvant être utilisé par des autobus. Une « piste polyvalente » de même largeur sera aménagée pour les vélos et les piétons. Le nouveau pont fera une dizaine de mètres de large de plus que le pont actuel.

En plus de l’inflation et des conditions du marché de la construction, une source consultée par La Presse en février a mis en cause les exigences architecturales imposées par Québec pour expliquer l’augmentation de la facture.

Le futur pont doit être « porteur d’une identité distinctive », peut-on lire dans l’« énoncé de la vision architecturale » du projet. Ce sera une « infrastructure durable présentant une architecture distincte qui misera sur une intégration harmonieuse au paysage, dans un souci de respect de la qualité du milieu naturel environnant. Le traitement architectural et les aménagements contribueront à améliorer l’expérience de parcours des usagers du pont et la perception de l’infrastructure », ajoute cet énoncé adopté en 2020.

Depuis le 27 février, des travaux préparatoires sont en cours en vue de la construction du nouveau pont. Des équipes doivent faire du déboisement « ciblé », des forages géotechniques et des travaux liés au déplacement des équipements de services publics.

Reconstruction inévitable

D’autres options que la reconstruction avaient été étudiées, mais écartées. La réfection de la structure actuelle serait presque aussi coûteuse et prolongerait sa durée de vie de seulement 15 ans, selon le ministère des Transports. Il concluait même que l’opération présenterait un niveau de risque élevé. Une reconstruction devenait alors inévitable.

En service depuis 1965, le pont de deux kilomètres entre Senneville et Vaudreuil-Dorion est en piètre état. Il est « en fin de vie », selon le diagnostic du ministère des Transports. Il recommandait dès 2018 qu’un « projet d’intervention majeure soit entrepris le plus rapidement possible » en raison de la multiplication des « déficiences » qu’il observait sur le pont depuis plusieurs années.

L’entretien de ce pont coûte une petite fortune et devra se poursuivre d’ici la mise en service du nouveau pont qui se fera de façon progressive, entre 2026 et 2029. Québec a dépensé près de 180 millions de dollars depuis 2016 pour réparer des poutres et des dalles, entre autres. Environ 200 millions supplémentaires sont prévus en travaux au cours des prochaines années.

PHOTO HUGO-SÉBASTIEN AUBERT, ARCHIVES LA PRESSE

Vue du côté du pont de l’Île-aux-Tourtes en direction de Vaudreuil-Dorion, en mai 2021

Fin décembre, Québec a décrété la fermeture d’une voie dans chaque direction en raison de « la progression de certaines fissures existantes sur le côté du pont en direction de Vaudreuil-Dorion ». Il y avait eu fermeture d’urgence du pont en mai 2021 pour des raisons de sécurité.

Les mesures mises en place par le ministère des Transports suscitent la grogne dans les municipalités de la région, où la congestion routière est importante aux heures de pointe, comme nous l’expliquions en février. En raison des travaux sur le pont, l’autoroute 20, qui se transforme en boulevard dans le secteur de Vaudreuil-Dorion, est maintenant fortement achalandée. On réclame une voie de contournement.

1. Lisez l’article « Nouveau pont de l’Île-aux-Tourtes : un contrat de “plus de 2 milliards” »