Exigences de « maintien de la circulation », délai maximal de 24 heures pour installer et démonter la signalisation, augmentation des constats d’infraction : Montréal veut « changer d’ère » en matière de gestion des zones de travaux. Prête à « collaborer », l’industrie de la construction appelle toutefois à la prudence. Survol en six points.
Des exigences pour la circulation
« Ce ne sont pas tant les chantiers en tant que tels, le problème, mais tout ce qui les entoure : les cônes, les entraves, la communication », a lancé la mairesse Valérie Plante, en lever de rideau du Sommet sur les chantiers. Son administration exigera dorénavant un « plan de maintien de la circulation comme condition à l’obtention d’un permis sur les artères prioritaires ». Ce plan devra « préciser clairement où la circulation est bloquée, et les [déviations] ». Environ 55 000 permis ont été délivrés en 2022, dont 42 % venaient de la Ville de Montréal, 34 % du milieu privé et 20 % de « compagnies d’utilité publique » comme Hydro-Québec.
Les chantiers inactifs à l’œil
Montréal veut aussi trouver des solutions pour lutter contre le « nombre important de chantiers fantômes ». La Ville compte mettre en branle un « délai maximal de 24 heures » – ce chiffre était d’abord de 12 heures en début de journée, mais a ensuite été rehaussé – pour l’installation et le démontage de la signalisation des chantiers. La Ville propose aussi « d’octroyer des pouvoirs supplémentaires à son Escouade mobilité ». L’organisme pourrait maintenant « démobiliser les chantiers inactifs et retirer les permis d’occupation du domaine public après deux avis d’inactivité non justifiés », à l’aide de nouveaux effectifs qui viendront notamment du Bureau du taxi, démantelé en décembre. Montréal suggère également d’« augmenter la valeur des constats d’infraction émis par l’Escouade mobilité », sans toutefois s’avancer davantage.
On change d’ère. Maintenant, ce ne sera plus volontaire. On va avoir des règles de signalisation claires, et il va y avoir des conséquences.
Luc Rabouin, responsable du développement économique de la Ville
« Le marché va se désintéresser »
Pour la directrice de l’Association québécoise des entrepreneurs en infrastructure (AQEI), Caroline Amireault, qui représente la majeure partie des entreprises réalisant des travaux attribués par la Ville, tout est une question d’équilibre. « S’il y a trop de clauses abusives ou contraignantes, le marché va se désintéresser et on va s’en aller ailleurs », soutient-elle. D’après une récente étude du groupe, 78 % des entrepreneurs choisissent d’abord d’aller au privé pour leurs contrats, « puisqu’ils savent qu’il y a moins de pénalités ». « Avec la flambée des prix dans les derniers mois, il faut que les estimations suivent. On veut soumissionner avec les vrais prix », insiste-t-elle.
Ça va prendre des mesures aussi à la Ville elle-même. Certains arrondissements ne signalent même pas leurs chantiers. […] La coordination ne pourra donner des résultats que si c’est obligatoire d’inscrire clairement nos chantiers à l’avance.
Michel Leblanc, président de la Chambre de commerce du Montréal métropolitain (CCMM)
« L’industrie est prête »
À la Société de développement commercial Montréal centre-ville, le DG Glenn Castanheira parle plutôt d’une « ère de collaboration » à entamer. « L’industrie est prête à ce que la barre soit rehaussée. Il y en a, des constructeurs, qui sont prêts à être exemplaires dans leur aménagement. Le fait d’avoir des normes aussi basses pénalise ceux qui sont exemplaires », souligne-t-il. Tourisme Montréal appelle de son côté les autorités à agir rapidement. « On espère que ces solutions seront appliquées rapidement. L’été est à nos portes et il va y avoir des millions de visiteurs. Ces visiteurs doivent pouvoir voir une ville qui est propre », illustre la porte-parole de l’organisme, Aurélie de Blois. Le PDG du groupe, Yves Lalumière, a parlé en fin de journée d’un « traumatisme visuel » à déconstruire.
Revoir nos cônes
La Ville compte aussi remplacer ses cônes sur le réseau local « par des bollards de plus petite taille ou tout autre dispositif de signalisation sécuritaire ». Le ministère des Transports et de la Mobilité durable (MTMD) devra toutefois d’abord modifier ses règles de signalisation en la matière. De nombreuses discussions ont déjà été entamées en ce sens, confirme la porte-parole du ministère des Transports, Sarah Bensadoun. « Cela dit, je ne peux pas encore vous dire s’il y aura des modifications. On a encore des échanges en ce moment », soutient-elle. Montréal compte également « réduire le nombre de cônes nécessaires lors d’entraves en milieu urbain ». La Ville envisage également d’« identifier les équipements de signalisation par une puce ou un code QR ».
Déception dans l’opposition
Un comité de suivi sera mis en place « dans les prochaines semaines » pour s’assurer que toutes les mesures identifiées jeudi sont bien appliquées. Nombre d’entre elles devraient l’être « dès cet été », soutient la responsable des infrastructures, Émilie Thuillier. Dans l’opposition officielle, le conseiller Alan DeSousa a pour sa part estimé à l’issue du Sommet que l’administration municipale « arrive en retard au party ». « Ces mesures auraient dû être mises en place bien avant. […] On ne peut pas gérer des villes avec des sommets, mais en agissant rapidement quand des situations se présentent », a-t-il conclu.
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- 23 500
- C’est le nombre approximatif d’interventions effectuées par l’Escouade mobilité en 2022. Le groupe a notamment plus de 3000 balises de signalisation et cônes orange. Environ 90 % des situations de conflits ont été réglées « en 24 heures », affirme la Ville.