Les conducteurs roulent beaucoup trop vite aux abords du tunnel Louis-Hippolyte-La Fontaine. À peine implanté, le radar photo mobile du mégachantier de l’A25 est déjà devenu le plus lucratif au Québec, révèlent de nouvelles données du gouvernement.

Depuis l’installation de l’appareil à la fin du mois de janvier, près de 900 conducteurs ont reçu des contraventions, gracieuseté du nouveau radar photo. Son ajout a été fait après que les autorités eurent noté une vingtaine d’accidents et de collisions dans le tunnel, dont le nombre de voies a été réduit de moitié.

Les amendes imposées aux usagers de la route en février sont d’ailleurs très élevées ; elles sont en moyenne de 438 $, apprend-on dans le plus récent rapport sur les radars et caméras aux feux rouges du ministère de la Justice. C’est quatre fois plus que la moyenne des autres radars mobiles sur le réseau.

Le radar photo de l’autoroute 25 a ainsi permis de récolter près de 400 000 $ à son premier mois de service.

En comparaison, de l’autre côté du tunnel, le radar fixe situé sur l’autoroute 20 près du boulevard de Mortagne a émis 823 contraventions en février, pour un total de 89 000 $. Cet appareil est pourtant, mois après mois, l’un des plus actifs sur le réseau québécois depuis son implantation il y a plus de 10 ans.

À lui seul, le radar du chantier du tunnel a ultimement représenté plus du quart des contraventions imposées par les radars mobiles présents sur les routes du Québec, en février.

La facture élevée aux conducteurs de l’A25 s’explique notamment par le fait que les amendes sont doublées en zone de chantier. En se référant à la grille de calcul du Code de la sécurité routière, on peut aisément estimer que la moyenne des chauffeurs pris sur le vif roulaient entre 90 et 95 km/h. Et ce, alors que la limite a été réduite à 50 km/h.

Surtout en dehors de la pointe

À ce jour, on compte 54 radars photo au Québec, soit 30 qui sont fixes et 24 qui sont mobiles. Ces derniers peuvent notamment être placés dans des zones scolaires ou « accidentogènes ». Au tunnel La Fontaine, « il n’y a qu’un seul appareil en place, pour l’instant », précise le porte-parole du ministère des Transports et de la Mobilité durable (MTMD), Gilles Payer.

Comme le secteur du tunnel Louis-Hippolyte-La Fontaine est régulièrement bouchonné en raison des travaux dans le tunnel, c’est surtout lorsque l’autoroute est libre d’entraves que la vitesse de la circulation est nettement supérieure à la limite imposée. « Autrement dit, toutes ces contraventions-là sont probablement concentrées dans le soir et le week-end, quand la circulation est nettement plus fluide », remarque l’expert en planification des transports à l’Université de Montréal Pierre Barrieau.

Sans congestion, dans un secteur où la limite est normalement plus élevée, la tentation peut être forte d’aller à 100 km/h, soit la limite de vitesse à quelques kilomètres de là, sur l’autoroute 20, rappelle M. Barrieau.

« Tous ces chiffres, ça valide la pertinence de l’intervention. Moi, je recommanderais qu’on qualifie ce radar photo comme projet pilote et qu’on vise à l’implanter ailleurs, sur d’autres chantiers. On a un grave problème de sécurité routière au Québec aux abords de nos chantiers », souligne M. Barrieau.

Des vitesses « très élevées » le soir

À l’Association des travailleurs en signalisation routière du Québec (ATSRQ), le président Jean-François Dionne affirme que ses membres ont encore de sérieuses craintes pour leur sécurité dans le tunnel La Fontaine. « Les gens roulent souvent entre 90 et 110 km/h si on part du pont Charron jusqu’à la première sortie du tunnel. C’est tranquille à l’heure de pointe, mais en dehors de ça, les vitesses sont très élevées, surtout le soir », déplore M. Dionne en entrevue.

C’est très positif d’avoir ce radar. Ça amène une sécurité pour les travailleurs, les patrouilleurs et tout le monde sur le chantier.

Jean-François Dionne, président de l’ATSRQ

Il déplore par contre que les fonds dégagés par les contraventions n’aient pas été utilisés pour faire davantage de publicité et de sensibilisation pour protéger les travailleurs. « On aurait pu prendre une partie de ces tickets pour en faire plus, justement. Ça prend une publicité nationale sur la sécurité sur les chantiers. Ce qu’on veut, c’est que tout le monde ralentisse. Il y a des vies derrière ça », insiste M. Dionne.

En octobre dernier, La Presse rapportait que des signaleurs craignaient le pire en vue des entraves dans le tunnel Louis-Hippolyte-La Fontaine. Observant déjà une hausse des accidents à l’époque, leur association réclame depuis des années plus de sécurité entourant l’exercice du métier.

Pour Marc Cadieux, PDG de l’Association du camionnage du Québec, la situation témoigne du fait « qu’il faut amplifier le message du respect des limites de vitesse au Québec, surtout aux abords des chantiers, où on a connu plusieurs accidents regrettables dans les dernières années ».

« Je suis obligé de faire le constat qu’il y a quand même encore beaucoup de vitesses qui ne sont pas respectées, principalement dans des endroits plus à risque, comme aux abords des chantiers. Il faut se servir de ces données comme un indice de sensibilisation auprès des usagers de la route, dont nos membres dans l’industrie, en augmentant la sensibilisation et la formation », conclut M. Cadieux.

Avec Pierre-André Normandin, La Presse