Mise en commun de ressources, service flexible, investissements ciblés : l’Autorité régionale de transport métropolitain (ARTM) exhorte les quatre opérateurs du Grand Montréal à penser comme « une seule business », pour économiser. Le milieu réserve toutefois un accueil en demi-teinte à cette feuille de route, insistant sur la nécessité de trouver des solutions permanentes à la crise du financement.

L’ARTM demande aujourd’hui à l’industrie de réduire les coûts autant que possible, afin de ne pas devoir hausser les tarifs pour combler son manque à gagner de 500 millions. « Si on était une seule business, plutôt que quatre, comment on fonctionnerait ? C’est un peu ça, la question qu’on se pose en ce moment », a affirmé le directeur général de l’ARTM, Benoit Gendron, en entrevue jeudi.

C’est lui qui a présenté mercredi son « plan d’action » pour « optimiser » les dépenses de la Société de transport de Montréal (STM), de la Société de transport de Laval (STL), du Réseau de transport de Longueuil (RTL) et d’exo, comme le révélait La Presse1, mercredi. Outre la réduction du nombre de cadres et d’employés administratifs, comme l’a déjà fait la STM, l’Autorité planche sur ce qu’elle appelle la « mutualisation des services ».

« Ultimement, ça veut dire qu’il faut décloisonner nos territoires. On ne veut pas couper, mais on veut quantifier les façons d’avoir un service plus performant, au même coût », affirme M. Gendron.

Parmi les avenues proposées : la création d’« axes métropolitains à haute fréquence », qui permettraient par exemple à des bus de Laval ou de Longueuil de faire monter des passagers sur le territoire de Montréal. « On aurait un réseau du Grand Montréal, fiable et fréquent, qu’on peut utiliser sans regarder l’horaire. Et les tronçons qu’on met en commun, ça peut signifier des économies qu’on réinjecte dans le service », poursuit le DG.

Un bus qu’on retire quelque part parce qu’il n’y a personne, on peut le mettre sur une ligne plus fréquente qui dessert plus de gens. Faire mieux avec le même argent.

Benoit Gendron, directeur général de l’ARTM

« Il faudra beaucoup plus »

La STM salue la bonne volonté de l’ARTM, mais souligne que « les chantiers d’optimisation sont une partie de l’équation ».

« Il faut mettre les mêmes efforts concernant le modèle de financement des sociétés de transport collectif. Ainsi, il faut que l’ARTM s’adresse aux enjeux de fond afin de trouver des sources de financement pérennes et indexées pour les sociétés de transport collectif », soutient le porte-parole, Philippe Déry, faisant valoir que la démarche actuelle ne répondra qu’à une partie des objectifs.

Au cabinet de la mairesse Valérie Plante aussi, on dit voir « d’un bon œil la possibilité d’explorer la mise en commun de ressources ». « Mais il faudra beaucoup plus pour répondre à l’enjeu de fond du financement des sociétés de transport », souligne l’attachée de presse Marikym Gaudreault.

Il faut du nouvel argent pour avoir des réseaux de transport en commun efficaces, fiables, qui donnent envie de délaisser sa voiture. Ce n’est pas seulement en comblant le déficit que les usagers auront un meilleur service.

Marikym Gaudreault, attachée de presse de la mairesse de Montréal

La STL, de son côté, déplore que des détails du plan de l’ARTM aient « été diffusés dans certains journaux à la suite de la rencontre, détails qui n’avaient pas été verbalisés aux sociétés de transport ». « Nous sommes surpris de la situation et nous tentons de cerner le réel plan d’action et les attentes de l’ARTM. Les discussions sont toujours en cours. […] Il va sans dire que le financement pérenne doit faire partie intégrante des discussions », affirme la porte-parole, Estelle Lacroix.

Exo, qui gère notamment le réseau de trains de banlieue, souhaite aussi « vivement que l’usager soit au cœur des pistes de solution analysées, concrètes, quantifiables et applicables qui seront discutées entre l’ensemble des partenaires », affirme son porte-parole, Jean-Maxime St-Hilaire.

Des choix difficiles

Benoit Gendron, lui, veut aussi « mutualiser » la recharge des bus électriques. De plus en plus nombreux sur le territoire, ceux-ci ont une autonomie de 300 km en moyenne. « Si on prend le modèle d’entreprise unique, ça veut dire mettre des postes de recharge à des endroits stratégiques sur tout le territoire, pour recharger sans avoir à revenir au garage à vide », illustre Benoit Gendron.

Il lance aussi une « réflexion » sur l’utilisation des bus roulant à l’essence. « Sur une vie utile de 16 ans, est-ce qu’il y a moyen qu’au bout de 10 ans, par exemple, on concentre nos bus diesel dans un seul endroit à déterminer à Montréal ? C’est une question qu’on lance. »

Cela dit, le DG de l’ARTM en convient : il y aura des choix difficiles à faire si le transport collectif « n’a pas l’argent souhaité » au prochain budget du gouvernement Legault, prévu le 21 mars prochain.

« On a bien entendu la ministre [Geneviève] Guilbault sur le fait qu’elle ne veut pas de nouvelle taxe », dit M. Gendron, qui espère ne pas devoir « hausser les tarifs des contributeurs de la région métropolitaine, soit les usagers et les municipalités ».

« C’est le dernier levier qu’on veut utiliser. Ça serait contre-productif d’augmenter les tarifs. À plusieurs endroits dans le monde, comme à Paris, ça a été fait pour éponger le manque à gagner. Nous, on n’est pas rendus là pour l’instant », insiste-t-il.

Il reste que tout dépendra de la suite. « Si je n’ai pas mon 500 millions, toutes les demandes excédant le cadre financier, il va falloir les éclater », conclut le gestionnaire.

Lisez la chronique de Maxime Bergeron