Les services communautaires qui œuvrent dans le secteur de la station Berri-UQAM observent une hausse de la fréquentation des lieux par des personnes vulnérables de plus en plus agressives. Et ils ont des solutions à proposer.

« Il y a beaucoup de gens qu’on n’a jamais vus dans la rue », lance d’emblée Jean-François Mary, directeur général de Cactus Montréal, organisme qui soutient les utilisateurs de drogue, situé à quelques coins de rue de Berri-UQAM.

Or, certains des nouveaux venus ne partagent pas les mêmes codes que ceux qui y sont depuis longtemps, observe le directeur. « Il y a une autorégulation qui se déploie dans ces milieux-là, explique-t-il. Avec beaucoup de personnes qui ne connaissent pas ces codes-là, ça perturbe un équilibre. »

PHOTO CHARLES WILLIAM PELLETIER, ARCHIVES COLLABORATION SPÉCIALE

Personne vulnérable dans la station de métro Berri-UQAM, mercredi dernier

Selon François Raymond, directeur général de la Société de développement social – qui a trois projets d’intervention sociale dans le métro montréalais –, l’augmentation de l’agressivité est généralisée. « Depuis un an ou deux, les usagers avec qui on travaille sont plus stressés, plus agressifs, souligne-t-il. C’est à se demander s’il y a quelque chose de plus dans les stupéfiants. »

Samedi dernier, La Presse rapportait que tant des consommateurs que des vendeurs de drogue et des policiers constatent une hausse de la violence à la station Berri-UQAM, dans la foulée de l’annonce d’Archambault de fermer son magasin emblématique, rue Sainte-Catherine. Le secteur serait par ailleurs déserté par le crime organisé.

Solution 1 : éviter la « ghettoïsation » de Berri-UQAM

Les personnes marginalisées du centre-ville sont de moins en moins acceptées dans les espaces publics, déplore M. Mary. La revitalisation du square Viger, de la place des Montréalaises, de la place de la Paix, le développement du Quartier des spectacles et du dessous du pont Jacques-Cartier ont contribué à modifier l’espace urbain, rappelle-t-il.

« On a dépossédé ces populations-là de lieux par la privatisation d’espaces, la répression policière et des évènements publics », soutient-il.

Résultat : des gens qui auparavant réussissaient à s’éviter dans la rue se retrouvent souvent forcés à cohabiter dans les mêmes secteurs.

« Ça crée des tensions et ça augmente l’agressivité, déplore M. Mary, en plus du fait que les gens ont l’impression qu’ils ne sont accueillis nulle part. »

Une vision partagée par Annie Aubertin, directrice générale de Spectre de rue, autre organisme venant en aide aux toxicomanes dans le Village. « Plus les gens sont refoulés, plus ils se retrouvent en tapon à la même place. Il faudrait avoir de réels plans de cohabitation où les personnes ne sont pas automatiquement chassées des endroits dédiés au grand public et pas à l’itinérance », estime-t-elle.

Solution 2 : superviser la consommation de crack

Tant Cactus Montréal que Spectre de rue ont des centres d’injection supervisée, où les utilisateurs de drogue peuvent consommer de façon sécuritaire à l’intérieur de leurs murs.

Cependant, les lieux ne sont pas adaptés pour les gens qui consomment du crack par inhalation, comme c’est souvent le cas dans le secteur de Berri-UQAM. Des investissements dans les infrastructures sont nécessaires pour permettre une ventilation accrue.

« De notre côté, les plans sont faits, mais c’est une question de financement, soutient Mme Aubertin. Ça a presque marché avec le CIUSSS, il y a quelques années, mais à cause de la pandémie, ç’a été ralenti. Mais c’est effectivement un projet qui nous tient à cœur. »

« C’est clair que, pour nous, c’est une volonté, parce qu’on connaît notre quartier », renchérit M. Mary.

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Aucun site de consommation supervisée à Montréal ne permet l’inhalation de drogue.

À l’heure actuelle, il n’y a aucun site de consommation supervisée à Montréal qui permet l’inhalation de drogue.

La Maison Benoît Labre, qui construit de nouveaux locaux dans le sud-ouest de la ville, deviendra prochainement le premier organisme à offrir ce service.

Selon le coordonnateur François Giroux, ce nouveau site permettra de prévenir les surdoses liées à l’inhalation, de prévenir les risques de contraction du VIH et de l’hépatite C, ainsi que d’améliorer la sécurité publique en évitant que les personnes ne consomment dans des aires publiques.

Solution 3 : plus de présence policière et de logements

Selon François Raymond, ni la question de la cohabitation ni les sites de consommation supervisée ne régleront à eux seuls les difficultés à Berri-UQAM.

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Policiers dans le secteur du métro Berri-UQAM, mercredi dernier

« ​Il faut vraiment qu’il y ait plus de présence policière, estime-t-il. Ce sont les dealers de drogue qu’il faut arrêter. Il faut que ça frappe de partout en même temps, sinon ça va être un coup d’épée dans l’eau. »

« Ça prend plus de tolérance dans la société, mais aussi des mesures parallèles pour les gens qui veulent un logement et un accompagnement à plus long terme, ajoute Mme Aubertin. Les logements qui sont disponibles sont beaucoup trop chers pour les personnes qui vivent dans la rue. »

Lisez « Drogues et violence à Berri-UQAM »
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  • 35 000
    Nombre de clients uniques des centres de consommation supervisée au Canada, entre 2017 et 2019
    2 millions
    Nombre de visites dans des centres de consommation supervisée au Canada, entre 2017 et 2019
    SOURCE : Gouvernement du Canada