Alors que la Ville de Longueuil et l’Aéroport de Saint-Hubert annoncent leur intention d’interdire les vols commerciaux la nuit à partir d’avril 2024, en réponse aux plaintes de résidants, le transporteur Chrono Aviation menace de les poursuivre si cette mesure est implantée.

« S’ils vont de l’avant, ils vont avoir une poursuite de plusieurs centaines de millions de dollars de notre part. Le dossier est déjà entre les mains de nos procureurs », affirme Dany Gagnon, vice-président de l’entreprise.

Depuis 2019, Chrono Aviation exploite, à partir de Saint-Hubert, des liaisons aériennes nocturnes avec la terre de Baffin deux fois par semaine, pour y conduire les travailleurs d’une mine de fer. Le transporteur utilise un Boeing 737-200, un avion âgé de 45 ans très bruyant, parce que c’est le seul qui peut atterrir sur une piste en gravier.

Mais les décollages de cet appareil en pleine nuit suscitent de nombreuses plaintes de résidants du secteur.

Dany Gagnon indique avoir un bail de 40 ans avec l’aéroport. Son contrat avec Baffin Land Iron Mine, d’une valeur de 150 millions pour cinq ans, vient à échéance en avril 2024, mais est déjà en renégociation. Il rappelle aussi avoir investi 50 millions pour ses installations à Saint-Hubert.

« On a choisi cet aéroport parce qu’il n’y avait pas de couvre-feu et on nous a promis qu’il n’y en aurait jamais, assure-t-il. Sinon, on n’aurait jamais autant investi. Si on perd notre contrat et notre investissement, ils vont avoir une poursuite historique. »

« Irritant majeur »

La mairesse de Longueuil, Catherine Fournier, et le directeur général de l’aéroport, Yanic Roy, ont annoncé jeudi en conférence de presse qu’ils s’engageaient à interdire les vols de nuit commerciaux en avril 2024.

« Dans les dernières années, la question des vols de nuit a été un irritant majeur pour les citoyens, a rappelé Mme Fournier, Donc, dès 2024, on verra la fin des vols de nuit commerciaux, une règle calquée sur ce qui se fait à l’Aéroport Montréal-Trudeau, où les vols de nuit sont aussi interdits. Ça sera clairement défini, entre 23 h et 6 h du matin. C’est majeur comme gain pour la qualité de vie de la population de la région. »

Des avions privés pourront cependant continuer d’opérer la nuit, a indiqué Yanic Roy. On sait que des avions d’équipes de hockey qui viennent disputer des matchs à Montréal et d’artistes en tournées musicales, notamment, atterrissent et décollent à Saint-Hubert la nuit.

Mais selon M. Roy, ces vols ne suscitent pas de plaintes. « La quasi-totalité des plaintes concernent le Boeing 737-200, qui vole deux à trois fois par semaine la nuit. Cette nuisance-là sera éliminée en 2024, » dit-il.

Les prochains contrats qui seront signés avec des transporteurs commerciaux stipuleront qu’ils ne peuvent utiliser l’aéroport la nuit, ajoute-t-il.

Bientôt, les résidants du secteur auront aussi accès en ligne à des données sur le niveau de bruit à différents moments de la journée.

Des consultations publiques ayant eu lieu au cours de la dernière année sur le développement de l’aéroport ont montré que les résidants n’étaient pas opposés à l’augmentation du nombre de vols, mais qu’ils tenaient à leur qualité de vie, a indiqué Mme Fournier.

Zone d’innovation aérospatiale

En conférence de presse, les deux partenaires ont annoncé qu’ils allaient travailler ensemble pour développer à l’aéroport une zone d’innovation aérospatiale, en mettant à la disposition des entreprises intéressées près d’un million de mètres carrés de terrains appartenant à l’aéroport et à la Ville.

Plutôt que de miser sur le développement de vols commerciaux, ils entendent courtiser des entreprises actives dans le développement de technologies vertes.

« Nous avons une vision d’avoir un projet économique majeur, le plus grand des dernières années à Longueuil, a affirmé la mairesse. Nous avons déjà des joueurs très très importants sur le territoire comme Pratt & Whitney et Héroux-Devtek. Nous voulons bâtir cette grappe aérospatiale dans le secteur de l’aéroport. »

Yanic Roy a révélé en conférence de presse que l’aéroport gardait toujours dans ses cartons un projet d’aérogare, mais qu’on était loin d’une annonce à ce sujet. L’aéroport ne peut pas, pour le moment, attirer des transporteurs désirant offrir des liaisons internationales puisque l’Aéroport Montréal-Trudeau a l’exclusivité de ces vols dans la région.

« Un an, c’est long ! »

Le Comité anti-pollution des avions – Longueuil (CAPA-L) estime que l’engagement de la mairesse et du directeur de l’aéroport à interdire les vols commerciaux la nuit est un « pas dans la bonne direction ». Mais les citoyens auraient aimé que les changements entrent en vigueur plus rapidement.

« Un an, c’est long ! », lance Marie-Pierre Brunelle, porte-parole du CAPA-L et résidante du quartier Laflèche, qui jouxte l’aéroport.

« Nous, ce qu’on voudrait, c’est des actions concrètes à court terme, ajoute-t-elle. On subit quand même le bruit depuis 2019. Ce qu’on ne comprend pas, c’est pourquoi cet avion, qui est banni dans d’autres aéroports parce qu’il est trop bruyant, peut atterrir ici, en zone urbaine. »

Mme Brunelle déplore aussi que rien n’ait été annoncé au sujet des écoles de pilotage, dont les avions tournent constamment dans les airs dans le secteur.

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    Aéroport de Montréal – Saint-Hubert
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    Source : Aéroport de Montréal–Saint-Hubert