Choqués par la mort de la petite Mariia Legenkovska, 7 ans, tuée par un chauffard dans une zone scolaire de Montréal le mois dernier, des dizaines de parents et d’enfants ont marché mardi pour demander aux élus de s’attaquer aux dangers causés par les déplacements motorisés. Déjà, la Ville de Montréal promet d’« accélérer la cadence ».

« Un tel évènement tragique ne doit plus se reproduire, dans notre quartier ou ailleurs », a dit Chris McCray, qui a cofondé avec des voisins le Collectif apaisement pour Sainte-Marie.

Parmi les solutions proposées, il note qu’il est urgent d’apaiser le débit de véhicules motorisés du quartier en faisant des sens uniques, ce qui mettrait fin aux déplacements de transit dans les rues résidentielles. Des bollards, des dos d’âne et des avancées de trottoirs joueraient ensuite le rôle de réduire la vitesse des automobilistes dans ce quartier, qui compte l’une des plus importantes densités de population en Amérique du Nord, avec 5397 habitants par kilomètre carré.

« Il faut plus que du marquage au sol. Il faut plus que des panneaux », a-t-il dit. Le quartier compte deux écoles secondaires, cinq écoles primaires, en plus d’une vingtaine de points de service à la petite enfance.

Des élèves ont pris part à la marche, le long de la rue de Rouen, qui reprenait le trajet emprunté par Mariia Legenkovska le matin du 13 décembre. La jeune réfugiée ukrainienne se rendait à l’école Jean-Baptiste-Meilleur avec son frère et sa sœur quand elle a été renversée par le conducteur d’un VUS. Ce dernier a pris la fuite pour ensuite se livrer aux autorités.

Mardi, des parents ont fait part de leur inquiétude vis-à-vis du « transit sauvage » dans leur quartier, situation qui forme un contraste avec l’arrondissement du Plateau-Mont-Royal, qui a installé de nombreux sens uniques, saillies de trottoirs et dos d’âne.

« Accélérer la cadence »

Montréal a de son côté annoncé mardi qu’au cours de l’année 2023, les environs de 50 établissements fréquentés par les enfants, dont des écoles et des garderies ainsi que deux parcs, seront sécurisés. Une cinquantaine d’écoles avaient déjà été sécurisées dans les trois dernières années, mais la Ville veut maintenant « accélérer la cadence ».

« Il y a vraiment des enjeux en matière de sécurité routière. C’est important de s’y attaquer. […] Ce qu’on voit, c’est vraiment une épidémie de collisions en ce moment. Il y a peut-être un tour de roue de plus à donner », a reconnu la responsable de la mobilité au comité exécutif, Sophie Mauzerolle.

La sécurisation d’une intersection permet d’y ajouter des dos d’âne, des feux à décompte piéton, des intersections surélevées, des saillies de trottoirs, ou encore d’élargir ces derniers. Des pistes cyclables peuvent également être aménagées.

Un appel à projets a déjà été lancé auprès des arrondissements, qui auront un an pour mettre en place les aménagements. Jusqu’ici, 42 projets touchant environ 15 000 élèves ont déjà été retenus dans 13 arrondissements. « Ce qu’on entend des citoyens, c’est qu’il faut aller plus fort et plus vite. Il y a un autre appel à projets qui s’en vient. On va pouvoir vraiment augmenter la cadence », a insisté Mme Mauzerolle.

Un programme de sécurisation des intersections situées près des établissements pour aînés – qui sont « surreprésentés » dans les statistiques de collisions – doit aussi voir le jour cette année.

Des limites de vitesse peu respectées

Une observation au radar réalisée par La Presse le mois dernier devant l’école Jean-Baptiste-Meilleur avait révélé qu’essentiellement aucun automobiliste ne respectait la limite de 30 km/h dans cette zone scolaire, avec des pointes à plus de 60 km/h enregistrées régulièrement dans la rue Fullum, une rue en pente dépourvue de mesures d’apaisement de la vitesse comme des dos d’âne ou un radar photo.

« Dans Ville-Marie, c’est la fluidité des transports qui est reine, et les piétons, les enfants, ils n’ont qu’un petit bout de trottoir, et encore », raconte Roselyne Escarras, qui habite le quartier depuis plusieurs années.

Mme Escarras note que des citoyens demandent depuis des années à l’équipe de l’arrondissement d’apaiser la circulation, demandes qui n’aboutissent pas à des changements concrets autour de chez elle. « L’intersection D’Iberville et de Rouen, c’est un mouroir. Il faut constamment être avec les enfants, car on ne sait jamais si les automobilistes vont s’arrêter au feu rouge. »

Lany-Jade Mondou, mère d’un garçon de 12 ans, dit angoisser tous les matins lorsque ce dernier fait le trajet vers l’école. « On enseigne à nos enfants à respecter les feux piétons, les feux de circulation. Mais qu’est-ce qui arrive si un automobiliste pressé ne s’arrête pas à temps ? C’est un coin tellement dangereux ici. Les gens roulent beaucoup trop vite. Ce n’est pas une fois de temps en temps, c’est tous les jours. »

Hugues Lévesque, brigadier à l’angle de la rue Sherbrooke et de l’avenue De Lorimier, dit avoir été tellement affecté par la mort de la petite Mariia qu’il est parti en arrêt de maladie quelques jours après le drame. « Je traversais un matin avec un petit garçon et un automobiliste nous a presque rentré dedans. Il s’est arrêté au dernier millimètre. J’ai dit : ‟Non, j’ai besoin d’un break.” Tu as la vie des enfants comme responsabilité en arrivant le matin. Les automobilistes, eux, ne pensent pas à ça. »

En savoir plus
  • 1135
    Une pétition lancée par des citoyens de Ville-Marie demande aux élus de mettre en place des aménagements d’apaisement de la circulation afin de « diminuer la vitesse réelle » des automobilistes et de « réduire le débit de circulation et décourager la circulation de transit » dans les rues résidentielles, notamment. La pétition avait récolé 1135 signatures en date de mardi. Une rencontre avec des citoyens du quartier et Valérie Plante est prévue jeudi.
    source : pétition publiée sur CHANGE.ORG
    158 millions
    La Ville affirme être « proactive » en ayant doublé le budget de Vision zéro, qui atteindra 158 millions d’ici 2032. Les budgets consacrés à l’aménagement des rues ont aussi été « substantiellement augmentés ». Montréal implore toutefois Québec et Ottawa d’investir davantage dans la sécurisation des rues.
    source : ville de montréal