En contexte de déficit budgétaire, la Société de transport de Montréal (STM) a annoncé vendredi qu’elle devait réajuster son offre et mettre fin à sa promesse d’un autobus toutes les 10 minutes maximum sur les huit lignes qui offraient encore ce service à l’heure de pointe.

« En raison du contexte actuel, la fréquence des passages a été réajustée en fonction de l’achalandage : un intervalle de plus de 10 minutes pourrait donc être observé entre deux passages sur nos lignes 10 Max, en heure de pointe », indique désormais la STM sur son site internet.

Cette décision a été prise en raison du bouleversement des habitudes de transport des utilisateurs depuis le début de la pandémie, explique en entrevue Justine Lord-Dufour, porte-parole aux affaires publiques de la STM. « Les gens ne vont plus nécessairement autant au centre-ville à l’heure de pointe, donc ça varie et on s’adapte aux habitudes de déplacement en optimisant le service », souligne-t-elle.

Avant la pandémie, 31 lignes d’autobus faisaient partie du réseau haute fréquence « 10 minutes max » de la STM. Puis ce nombre est descendu à huit lignes d’autobus, soit les lignes 18 (Beaubien), 24 (Sherbrooke), 33 (Langelier), 64 (Grenet), 103 (Monkland), 106 (Newman), 141 (Jean-Talon Est) et 406 Express (Newman).

Les lignes dans ce réseau [vont continuer] à être très fréquentes. C’est juste qu’on ne peut plus promettre 10 min maximum. On juge qu’elles [vont continuer de] répondre aux besoins actuels de la clientèle, mais ça va être 12 minutes entre deux autobus à certains endroits [par exemple].

Justine Lord-Dufour, porte-parole aux affaires publiques de la STM

Afin d’éviter l’entassement dans les autobus, la STM précise sur son site web que « cet ajustement affecte les lignes et directions les moins achalandées ».

Risque de perdre des utilisateurs

« Un réseau considéré comme à grande fréquence a des avantages importants pour les utilisateurs des transports en commun, analyse la professeure Geneviève Boisjoly, spécialisée dans les transports à Polytechnique Montréal. Les temps d’attente sont hautement dévalorisés, par comparaison à l’utilisation du véhicule », rappelle-t-elle.

Avec cette nouvelle décision de la STM, le risque est donc de perdre des utilisateurs des transports en commun à Montréal dans les secteurs desservis par ce réseau. Mais ces ajustements vont aussi affecter les personnes qui n’ont pas le choix de prendre l’autobus, souligne la spécialiste. « Pour ceux qu’on dit captifs des transports en commun, ceux qui doivent vivre avec, ils vont avoir des impacts sur leur utilisation quotidienne. »

La STM base ses choix sur des données d’achalandage récoltées puis analysées, détaille Mme Lord-Dufour. De nouveaux secteurs, par exemple industriels, sont en croissance, indique-t-elle. De plus, il n’y a pas de retrait d’autobus sur les routes montréalaises, mais plutôt une redistribution de ceux-ci.

Le message qu’on veut lancer, c’est qu’on s’adapte aux changements d’habitudes des gens et qu’on veut le meilleur service optimisé pour la nouvelle réalité.

Justine Lord-Dufour, porte-parole aux affaires publiques de la STM

La STM travaille en parallèle à la refonte de son réseau d’autobus afin de s’ajuster à l’arrivée prochaine du Réseau express métropolitain (REM), du déploiement du SRB Pie-IX et du prolongement de la ligne bleue du métro.

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« C’est sûr qu’il faut mieux réorganiser le service, convient Mme Boisjoly, mais en baissant l’offre de service des lignes dans des quartiers centraux, il y a des risques de perdre des usagers des transports en commun… ou de ne pas aller en chercher des nouveaux. »

Déficit budgétaire 

En novembre dernier, la STM avait annoncé un trou budgétaire de 78 millions. « On fait face à un contexte économique difficile. On a un retour d’achalandage plus lent que prévu. C’est certain qu’il y a une pression immense sur les finances de la STM et sur nos bailleurs de fonds », avait alors affirmé en conférence de presse la directrice générale de la société, Marie-Claude Léonard.

Lisez le texte « Un trou de 78 millions, le niveau de service menacé pour 2023 »

L’indexation de la rémunération et des services dans un contexte d’inflation, la hausse des coûts par déplacement et l’arrivée de dépenses « incontournables », comme l’entretien des trains AZUR, expliquent le déficit, indiquait alors la STM.

La Société avait déjà, à ce moment, envisagé de réduire la fréquence sur certaines lignes de bus à haute fréquence et dessertes du centre-ville. Son objectif était de maintenir l’offre de service sur 80 % des lignes.

« Le scénario idéal, ce serait de ne pas avoir de baisse de service, observe Mme Boisjoly, mais ça, ça revient à ne pas avoir de baisse de financement. »

Avec la collaboration d’Henri Ouellette-Vézina, La Presse