Forcé de fermer l’une de ses deux boutiques même si ses affaires vont bien, un fleuriste montréalais déplore la grave pénurie de main-d’œuvre qui touche le secteur.

Six ans et demi après l’ouverture de sa succursale de l’avenue De Lorimier, dans le Plateau Mont-Royal, le fleuriste Manuel Perez, propriétaire du Jardin de Mathilde, mettra officiellement la clé sous le paillasson le 31 janvier prochain.

L’entrepreneur fleuriste affirme n’avoir d’autre choix devant le départ récent d’une dizaine d’employés, dont deux le même jour, à la mi-décembre, qu’il n’a pu remplacer faute de main-d’œuvre disponible.

« J’ai beau passer des annonces, faire des vidéos sur les réseaux sociaux, contacter des écoles de fleuriste […], je n’arrive pas à avoir de CV », déplore-t-il, depuis sa boutique de la rue Masson, qui, elle, restera ouverte.

PHOTO DOMINICK GRAVEL, LA PRESSE

La boutique Jardin de Mathilde, rue De Lorimier à Montréal

Et pourtant, les affaires vont bon train pour l’entreprise de Manuel Perez qui confectionne tous ses bouquets à la main dans son atelier du Plateau Mont-Royal.

Contrairement à d’autres domaines durement affectés par la pandémie, l’entreprise a vu ses ventes augmenter de 25 à 30 % alors que les Québécois étaient confinés, un chiffre qui est revenu près des normales depuis la levée des restrictions sanitaires.

Un métier artisanal

Manuel Perez en convient, dans le métier de fleuriste, on ne va pas « gagner des cents et des mille ». Il essaie toutefois de rémunérer ses employés à la hauteur de leur travail, c’est-à-dire à un salaire d’entrée de 17 $ l’heure, en plus de certains avantages sociaux, des primes sur les ventes et bonis annuels.

« C’est un beau métier, mais peut-être pas assez considéré. Il faudrait qu’il ait plus de considération, parce que c’est un métier d’artisanat », insiste celui qui fait ce métier depuis 25 ans.

Il existe au Québec une formation en fleuristerie. Ce diplôme d’études professionnelles (DEP), qu’il est possible d’obtenir au bout de 1000 heures, s’enseigne dans neuf établissements de la province. Entre 2015 et 2019, le nombre de diplômés a toutefois diminué de 26 %, indiquait le ministère de l’Éducation et de l’Enseignement supérieur (MEES), en 2020.

Un commerce en péril

En outre, peu de ces finissants décident de travailler dans le domaine, confirme une employée du Jardin de Mathilde, Laurence Quard, qui a elle-même suivi cette formation.

« Nous étions 15 dans le cours, puis sur 8 qui l’ont terminé, je suis la seule à être fleuriste », explique celle qui a choisi de se réorienter dans ce domaine après avoir suivi depuis l’Indonésie ses filles qui venaient étudier à Montréal.

Laurence Quard se dit « surprise » de constater qu’une telle pénurie de main-d’œuvre dans le domaine puisse « mettre en péril l’avenir d’un commerce ».

Manuel Perez, de son côté, forme lui-même certains de ses employés, mais il s’agit d’une tâche prenante et parfois décourageante. « Ça fait sept ans que je suis en activité et que j’embauche des gens que je forme, mais ils finissent par aller voir ailleurs. Je n’ai plus l’énergie pour former des gens, avec mes deux ou trois employés qui sont fleuristes de métier, durant trois ou quatre mois », soupire-t-il.

En savoir plus
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    Nombre d’inscriptions à la formation professionnelle en fleuristerie au Québec pour l’année 2020-2021. De ce nombre, 170 étaient des femmes et seulement 15 avaient 19 ans ou moins.
    Source : Banque de données des statistiques officielles sur le Québec