Rues difficilement navigables, arrêts de bus déplacés, commerces inaccessibles : la multiplication des balises de signalisation continue de rendre la vie de nombreux Montréalais difficile. Consciente des désagréments, l’administration Plante planche sur une série de mesures pour réduire l’impact des nombreux chantiers simultanés.

« Mon arrêt d’autobus est sacrifié pour des travaux de construction d’immeuble depuis plus d’un an », dénonce Katia Belisle. Cette mère de cinq enfants utilise chaque jour un arrêt d’autobus à l’angle des rues Beaubien et Saint-Denis pour ramener son plus jeune de la garderie. « Là, il n’y a plus de raison, poursuit-elle. L’immeuble est monté, les ouvriers travaillent dedans. »

Des plaintes, elle en a fait à la Ville de Montréal, mais sans succès. « L’arrêt est toujours bloqué, ça ne change rien, insiste-t-elle, excédée. Et l’hiver arrive ! »

Ce ne sont pas les seuls travaux qui ont compliqué la vie de cette résidante du quartier Rosemont–La Petite-Patrie. D’autres sur l’avenue Papineau ont entraîné des retards dans ses déplacements.

« Les panneaux de signalisation ont été mis partout en même temps au printemps, mais les travaux se sont faits un à un, remarque-t-elle. Sur Papineau, ce qui a été vraiment frustrant, c’est qu’il y a eu des cônes orange qui ont bloqué une voie au complet et un arrêt d’autobus, pendant qu’il n’y avait pas de travaux. »

« On marchait en zigzag »

Les arrondissements montréalais sont tous touchés à divers degrés par la prolifération des cônes orange. « Chaque fois que j’y vais, c’est un peu l’enfer », déplore Geneviève Lebel, résidante de Hochelaga-Maisonneuve, en parlant des commerces situés rue Sainte-Catherine Est.

PHOTO ROBERT SKINNER, LA PRESSE

Travaux rue Sainte-Catherine Est

Celle-ci a été fermée dès le printemps pour d’importants travaux électriques, de conduites d’eau potable et de voirie dans le secteur de la rue Viau.

Il n’y avait aucun accès, rien n’était aménagé, c’était des trottoirs en bois sur lesquels on marchait en zigzag de commerce en commerce, d’un côté à l’autre de la rue. J’ai l’impression que c’était un des pires chantiers.

Geneviève Lebel, résidante de Hochelaga-Maisonneuve

Yves Robillard, propriétaire du restaurant Cabotins, situé à l’angle des rues Théodore et Sainte-Catherine Est, a été aux premières loges de ces travaux. « C’est sûr que ça a fait moins de visibilité », reconnaît-il. Sa participation à une table de concertation sur les travaux organisés par la Ville de Montréal l’a toutefois aidé à passer à travers l’épreuve. « Les ouvriers m’ont même donné des morceaux de rail de tramway », rigole-t-il.

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Yves Robillard, propriétaire du restaurant Cabotins, tient un morceau de rail de l’ancien tramway qui passait rue Sainte-Catherine.

Moderniser les interventions

​​À la Ville de Montréal, on jure tout faire pour minimiser les inconvénients. La municipalité compte d’ailleurs mettre en place cette année un « nouveau modèle de signalement des entraves de courte durée », soit des chantiers de moins de cinq heures. Un projet pilote d’application interne d’assistance à la gestion des interventions dans la rue — nommée AGIR — est déjà en place depuis mai dernier.

La plateforme permet notamment à l’entrepreneur de signaler sa présence sur le terrain, pour faire venir des équipes de la Ville en surveillance presque immédiatement, ce qui lui évite d’avoir à demander un permis et de remplir les documents qui y sont associés.

En huit mois, 500 signalements ont déjà été réalisés, alors que seuls deux fournisseurs étaient jusqu’ici autorisés : la Commission des services électriques et Hydro-Québec. Cette année, la Ville compte rendre la plateforme disponible pour tout le monde.

« Tous ces 500 signalements-là, c’est autant de demandes de permis qui n’ont pas été faites. On peut ainsi dégager du temps pour les citoyens. Mais surtout, plus on aura une connaissance fine des interventions chaque jour, plus on sera capables de planifier de bonnes mesures d’atténuation », évoque le porte-parole administratif de la Ville de Montréal, Philippe Sabourin.

Ce dernier estime qu’une « simplification » des processus était devenue nécessaire pour atténuer les effets des chantiers, un processus parfois « lourd » et « exigeant » pour les autorités, avoue-t-il. « En 2021, seulement pour Ville-Marie, c’est 19 000 permis. Et quand on parle de tous les arrondissements, c’est environ 90 000 permis. On traite donc beaucoup, beaucoup de volume », résume M. Sabourin.

Selon lui, « il y a dans le milieu de la construction une culture qui a vraiment évolué au fil des 10 dernières années, un genre de virage à 180 degrés ». « On a fait plusieurs changements à la Ville, comme la Charte des chantiers où on se donne des pratiques communes et des règles établies, qui interdisent par exemple d’intervenir sans raison sur une piste cyclable, ou de fermer un trottoir. Le milieu avait peut-être moins de considérations pour ça avant, mais ça change beaucoup et pour le mieux », dit-il.

Montréal tiendra aussi en 2023 un sommet sur les chantiers routiers afin de trouver des solutions à l’omniprésence des cônes. « L’idée est vraiment de réunir tout le monde — les donneurs d’ordres, le réseau technique urbain, la construction immobilière — pour trouver des façons de diminuer les impacts des chantiers sur la population. On peut performer davantage dans certains endroits », conclut Philippe Sabourin.

Lisez notre dossier « Ces mystérieux (et omniprésents) cônes orange »
En savoir plus
  • 12 milliards
    Valeur des investissements sur dix ans seulement pour la voirie et pour les infrastructures de l’eau
    Source : Programme décennal d’immobilisations (PDI) 2023-2032 de la Ville de Montréal