Comme la normalisation du télétravail laisse de nombreux bureaux déserts, la Ville de Montréal veut faciliter la conversion de tours du centre-ville en appartements, pour aider à résorber la crise du logement.

« Le centre-ville se transforme, il y a beaucoup de locaux vacants. Les immeubles de grande qualité vont rester des bureaux, mais pour les immeubles de catégorie C, qui ont besoin d’un peu d’amour, il y a un potentiel de transformation pour un usage mixte, avec du commercial et des logements », explique Luc Rabouin, responsable du développement économique au comité exécutif, en entrevue en marge de l’étude du budget municipal par la Commission sur les finances et l’administration.

Selon les données de la Ville de Montréal, le taux d’inoccupation des bureaux dans le quartier des affaires est actuellement de 16 %, en hausse constante depuis 2020. Le Groupe Altus prévoit qu’il pourrait atteindre 29 % d’ici 2027, puisque le travail en mode hybride devient la norme.

En comparaison, le taux d’inoccupation des logements à Montréal est de 3 %. Il est encore plus faible pour les logements abordables, mais plus élevé pour les appartements ayant des loyers plus coûteux.

Que peut faire la Ville à ce sujet ? Elle pourrait changer sa réglementation pour faciliter les transformations de bureaux en appartements, et les élus municipaux examinent la question, révèle M. Rabouin. Actuellement, le zonage de certains terrains empêche un usage résidentiel.

« On est en pleine révision du plan d’urbanisme. On travaille sur une stratégie centre-ville 2030, il y a eu des consultations à ce sujet, mais aussi sur la vision de la Ville. Au cours de la prochaine année et demie, on aura des orientations plus précises sur ce qu’on peut faire et ce qu’on doit faire », dit-il, ajoutant qu’il faudra sans doute quelques années avant que de telles conversions se concrétisent.

On est déjà en discussion avec certains propriétaires et promoteurs, et il y a définitivement de l’intérêt.

Luc Rabouin, responsable du développement économique au comité exécutif

La Ville pourrait elle-même, éventuellement, acheter des immeubles de bureaux en prévision de leur transformation en logements sociaux ou abordables, mais il est plus probable que ces conversions soient réalisées par des promoteurs privés, en raison du coût élevé des propriétés.

L’installation de plus de résidants au centre-ville signifie qu’il faudra revoir l’urbanisme du secteur. « Dès qu’il y a du résidentiel, ça prend des écoles, des épiceries, des espaces verts », rappelle Luc Rabouin.

Pas la Place Ville Marie

Le président de la Chambre de commerce du Montréal métropolitain, Michel Leblanc, se réjouit de voir que l’administration municipale veut offrir plus de flexibilité aux propriétaires de tours de bureaux, mais il ne s’attend pas à ce qu’il y ait une énorme vague de conversions.

« On ne parle pas d’édifices prestigieux comme la Place Ville Marie, fait-il remarquer. Ça concerne plutôt des édifices d’un certain âge qui ont besoin d’investissements. Les propriétaires vont se demander s’ils rénovent pour que ça reste des bureaux ou s’ils les transforment en logements. »

La demande reste forte pour les édifices de catégorie A, ajoute-t-il. Certaines entreprises réduisent la superficie de leurs bureaux, mais préconisent des immeubles de meilleure qualité.

M. Leblanc souligne qu’il est complexe et coûteux de transformer des bureaux en résidences. Il cite par exemple l’emplacement de la plomberie pour les cuisines et les salles de bains, l’insonorisation, la hauteur des plafonds, les ascenseurs, etc.

De tels investissements ne se font pas en quelques mois. Mais en connaissant la volonté de la Ville de permettre les conversions, les propriétaires de bureaux seront en mesure de commencer leur réflexion et leurs analyses à ce sujet, dit-il.

Il note que la croissance des entreprises locales demeure forte et que les employeurs prévoient embaucher, même s’ils sont limités par la pénurie de main-d’œuvre. Mais les prochaines années permettront de voir si le télétravail se stabilise, et combien de jours par semaine les employés feront leur boulot à distance.

Dans son budget déposé au printemps 2021, la ministre des Finances du Canada, Chrystia Freeland, a annoncé un programme de 300 millions pour soutenir la conversion en logements abordables des espaces de bureaux vides apparus dans les centres-villes du pays depuis le début de la pandémie.

Le gouvernement a indiqué que ce programme faisait partie d’une nouvelle approche, dont l’objectif est de convertir des locaux commerciaux excédentaires en 800 logements locatifs, pour répondre à la forte demande.

En savoir plus
  • 16 %
    Taux d’inoccupation des bureaux au centre-ville de Montréal
    SOURCE : Ville de MOntréal
  • 3 %
    Taux d’inoccupation des logements dans la région métropolitaine
    SOURCE : Société canadienne d’hypothèques et de logement