Le trou budgétaire continue de s’agrandir à la Société de transport de Montréal (STM). Valant 43 millions l’an dernier, il atteint maintenant près de 78 millions. Le niveau de service sera encore une fois en baisse sur certaines lignes de bus et de métro en 2023, même si l’opérateur dit « viser à maintenir » la cadence.

« On fait face à un contexte économique difficile. On a un retour d’achalandage plus lent que prévu. C’est certain qu’il y a une pression immense sur les finances de la STM et sur nos bailleurs de fonds », a d’ailleurs reconnu d’emblée la directrice générale de la société, Marie-Claude Léonard, en conférence de presse.

À ses yeux, la hausse marquée du manque à gagner, qui est de 77,8 millions précisément, s’explique par l’indexation de la rémunération et des services dans un contexte d’inflation, la hausse des coûts par déplacement et l’arrivée de dépenses « incontournables », comme l’entretien des trains AZUR.

« Autrement dit, on paie plus d’argent pour payer nos employés […] et plus d’argent pour payer nos projets », a résumé Mme Léonard. Celle-ci dit s’attendre à ce que de 75 à 80 % de l’achalandage prépandémique soit de retour au courant de 2023. Actuellement, ce chiffre est d’environ 69 % la semaine, mais il remonte à environ 79 % durant le week-end.

Augmenter et réduire à la fois

Malgré tout, la STM dit avoir « l’objectif » de maintenir une offre de service « similaire » en 2023, par rapport à 2022. Mais il semble que rien n’est toutefois encore garanti à ce sujet. Dans son budget, la STM avoue en effet clairement que « des échanges constructifs ont cours actuellement avec les partenaires financiers pour identifier des solutions ».

Les habitudes des clients changent. On va devoir optimiser le service dans des endroits où il y a de la croissance, mais réduire dans des secteurs où il y a moins d’achalandage.

Marie-Claude Léonard, directrice générale de la STM

Certaines lignes de bus à haute fréquence et des dessertes du centre-ville pourraient notamment voir leur fréquence diminuer. L’organisme vise à maintenir son offre de service sur 80 % des lignes. Des trajets comme les lignes 427, 405, 11 ou encore 141 devraient donc voir leur service diminuer.

PHOTO PATRICK SANFAÇON, LA PRESSE

Marie-Claude Léonard, directrice générale de la STM, et Éric Alan Caldwell, président de la STM

Dans le métro, l’offre demeurera intacte sur la ligne bleue et la ligne jaune, où on a même ajouté un wagon en heure de pointe dans la foulée des travaux dans le tunnel Louis-Hippolyte-La Fontaine. Sur les lignes orange et verte, des « réajustements » pourraient toutefois survenir : sur la première, le service le plus rapide en heure de pointe sera réduit d’une trentaine de minutes, pendant que sur la seconde, le passage entre chaque train sera allongé d’une quinzaine de secondes en pointe. Le transport adapté, lui, ne sera pas affecté, alors qu’on y projette une hausse de 15,6 % en 2023, pour un total de 3,4 millions de déplacements.

« Au lieu de proposer des coupes de service aux citoyens, on propose à nos partenaires financiers de trouver une solution », a expliqué le président de la société, Éric Alan Caldwell. « On est inconfortables et stressés, mais je ne peux pas croire qu’on ne trouvera pas une solution », a-t-il aussi insisté, plaidant pour avoir une « discussion de fond » sur les revenus associés au transport collectif.

Plus tôt cette semaine, de vifs débats avaient eu lieu suivant la diffusion d’un avis interne obtenu par Radio-Canada, selon lequel une baisse de service de 3,7 % pour les bus et de 4,8 % pour le métro est envisagée pour absorber les pertes financières. La STM maintient que ces chiffres ne sont pas réels, mais qu’il s’agit de simples « hypothèses de travail ».

Dans les rangs de l’opposition montréalaise, on critique le manque de transparence. « La STM dévoile un budget déficitaire pour une deuxième année consécutive. Le pire dans cette mauvaise gestion, c’est que l’administration n’a même pas l’honnêteté de dire aux Montréalais où elle coupera dans l’offre de services. Tout ce qu’elle fait, c’est attendre après l’argent de Québec », a fustigé lundi la conseillère Christine Black.

Le cabinet de la mairesse Valérie Plante, de son côté, rétorque que la situation appelle surtout à diversifier les revenus, en appuyant des démarches comme « l’augmentation des droits d’immatriculation qui tarde à être mis en place par la SAAQ, ou le déploiement d’une taxe kilométrique ». La Ville haussera d’ailleurs en 2023 sa contribution de 4 % à l’Autorité régionale de transport métropolitain (ARTM), mais dit s’attendre à ce que celle-ci « finance adéquatement la STM » afin d’éviter une diminution de service.

1,7 milliard de dépenses courantes

Au total, le budget 2023 de la STM fait état de dépenses de 1,7 milliard, contre 1,6 milliard en 2022. Le Programme d’immobilisations 2023-2032 atteindra 20,4 milliards, une hausse de 4,4 milliards par rapport à l’an dernier. C’est une « récente mise à jour » du Programme d’aide gouvernementale au transport collectif des personnes (PAGTCP) qui a permis à la STM d’augmenter sa capacité financière à long terme.

De cette somme, 10 milliards iront dans le maintien et le développement des actifs. « Il faut se donner un deuxième cycle de vie pour le métro. Ça prend des investissements massifs. Et on n’a pas le choix », a évoqué Éric Alan Caldwell.

Environ 873 millions sont prévus d’ici 10 ans pour rendre encore plus de stations universellement accessibles dans le métro. D’ici 2025, on vise à ce que 30 d’entre elles puissent l’être ; actuellement, on en compte 23. Après 2032, plus de 400 millions sont aussi prévus pour continuer le travail en ce sens.

En savoir plus
  • 4,4 milliards
    Une part majeure du gâteau ira enfin à l’achat de bus électriques supplémentaires, la STM visant toujours à électrifier tout son réseau d’ici 2040. Elle prévoit dépenser 4,4 milliards d’ici dix ans. Seulement en 2023, 147 bus électriques à grande autonomie doivent être achetés.