Barrières de sécurité, forte présence policière, entraves, manifestations : l’arrivée de la COP15, qui se tiendra du 7 au 19 décembre à Montréal, force de nombreux commerçants à se préparer au pire. En plein cœur du périmètre, un centre de la petite enfance (CPE) ne cache pas ses inquiétudes pour la sécurité des enfants, dont l’aire de jeux pourrait bien se retrouver en plein cœur de l’action.

« Nous sommes tous inquiets. C’est quand même majeur, ce qui s’en vient », lance Sylvie Chabot, directrice générale du CPE Le Petit Palais. Elle fait ces jours-ci des appels pour obtenir une sécurité autour de ses locaux. « Mon mandat, ça reste d’assurer la santé et la sécurité des enfants », glisse-t-elle.

Voisin du Palais des congrès, rue Viger, l’établissement accueille quotidiennement des dizaines d’enfants. Avec l’arrivée de la COP15, de milliers de délégués, mais surtout de possibles manifestations, Mme Chabot dit avoir été contactée dans les derniers jours par plusieurs parents préoccupés.

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L’aire de jeux du CPE Le Petit Palais, voisin du Palais des congrès qui accueillera la COP15

Rencontrée dans ses locaux lundi, la gestionnaire attendait justement une rencontre avec les policiers à ce sujet. Son groupe a notamment demandé l’aide du ministère de la Famille dans ses démarches. « Ma principale demande, c’est d’avoir un plan d’évacuation, qui est présentement dans le Palais des congrès. Sauf que là, on n’y aura pas accès. C’est un enjeu pour nous », confie-t-elle.

On apprend tout au compte-goutte, on ne sait pas encore l’ampleur que ça va avoir. […] Si on avait eu un plan deux mois avant, le temps que les gens s’organisent, peut-être qu’on aurait eu le temps de trouver des locaux temporaires.

Sylvie Chabot, directrice du CPE Le Petit Palais

Plusieurs entraves sont prévues dans les prochaines semaines. De larges clôtures retrancheront une voie de circulation dans chacune des rues entourant le lieu de la rencontre, dont les axes Viger, Saint-Urbain, Saint-Antoine, ainsi que place Jean-Paul-Riopelle. La station de métro Place-d’Armes sera aussi fermée du 1er au 20 décembre « pour des raisons de sécurité ». Des manifestations anticapitalistes et écologistes sont prévues entre les 7 et 10 décembre. Des milliers d’étudiants se sont dotés d’un mandat de grève, jugeant que les COP « visent à nous faire croire que nos élus ont les mains sur le volant, alors qu’ils ne font aucun effort ».

Un congrès, deux réalités

Au coin des rues Saint-Antoine et Saint-Urbain, le propriétaire du restaurant La Popessa, Michel Bourdages, craint qu’il ait « beaucoup moins de clients » durant la COP15. « C’est un mois sans clients pour nous. Les congressistes, je ne pense pas qu’ils vont venir ici. On fait partie du Palais des congrès, mais on ne nous annonce même pas à l’intérieur. Les gens ne nous voient pas, ne savent pas qu’on existe », poursuit l’homme d’affaires, alors même qu’une voiture de la Gendarmerie royale du Canada se stationne devant son commerce.

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Michel Bourdages, propriétaire du restaurant La Popessa au coin des rues Saint-Antoine et Saint-Urbain, craint de perdre beaucoup de clients.

Je ne sais pas si on va être capables de passer à travers.

Michel Bourdages, propriétaire du restaurant La Popessa

Depuis lundi, les policiers lui ont demandé de fermer l’accès à son commerce sur la rue Saint-Antoine, par mesure de sécurité. « On aurait aimé avoir un peu plus d’accès, que la rue Saint-Antoine soit ouverte au moins pour les congressistes, mais pas pour les automobilistes », soupire M. Bourdages, qui se dit le grand perdant du congrès.

Sa réalité contraste avec celle du Kyo, un bar japonais moderne qui prévoit au contraire être « plus occupé durant la COP15 », confie son gérant, Édouard Guilmette. « Le Palais des congrès va être pas mal plein, et ça se déroulera durant le jour, donc on s’attend à plus d’achalandage, surtout des congressistes », évoque-t-il.

« On est le seul restaurant japonais dans le Vieux-Montréal. C’est de haut de gamme, mais ce n’est pas excessivement cher, donc c’est sûr que ça nous aide. Pour le reste, on a beaucoup plus de touristes, mais quand même aussi beaucoup de réguliers qui viennent en voiture », poursuit-il.

L’hôtel « prêt à toute éventualité »

Non loin de là, le directeur général de l’hôtel InterContinental, Martin Leclerc, assure avoir participé « activement » aux discussions concernant la sécurité durant la COP15. « Ici, ça va être très occupé, avec en grande majorité de l’occupation qui sera en relation avec la COP15. Cela dit, on demeure aussi ouverts pour nos clients et les gens qui veulent continuer de voyager », confie le gestionnaire.

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Martin Leclerc, directeur général de l’hôtel InterContinental

« On a des plans de contingence en place, mais ce n’est rien de nouveau pour nous. Ces plans-là existent pour nous 365 jours par année, 24 heures par jour. Ce n’est pas la première fois qu’on aurait potentiellement des contingences à activer. Nous sommes prêts à toute éventualité », ajoute-t-il, en référence aux débordements qui pourraient survenir lors de manifestations.

Aux autorités, M. Leclerc assure d’ailleurs offrir sa pleine collaboration durant le congrès. « On est enchantés d’avoir cette conférence-là en novembre et en décembre alors qu’en général, c’est une période qui est plus au ralenti », conclut-il à ce sujet.

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La COP15 se tiendra du 7 au 19 décembre, mais la transformation temporaire du secteur autour du Palais des congrès est déjà entamée.

Une idée des dépenses pour le SPVM

Il n’y a pas que les congressistes qui logeront en masse dans les hôtels montréalais, lors de la COP15. Le Service de police de la Ville de Montréal (SPVM) dépense en effet ces jours-ci des sommes considérables pour loger ses patrouilleurs, mais aussi pour louer des espaces et des véhicules.

Durant toute la durée du congrès, la police de Montréal prévoit en effet louer une vingtaine de chambres dans un hôtel du centre-ville, afin d’y loger ses troupes et tenir des « activités policières ». Le SPVM déboursera tout près de 84 000 $ pour cette première dépense uniquement.

Une somme de 100 000 $ ira également à la location pendant deux semaines d’une grande salle commune pour y tenir des « repas de groupe, des rassemblements », mais aussi pour offrir du repos aux policiers et à entreposer de l’équipement.

Ces contrats publics, consultables en ligne, montrent aussi que la police de Montréal prévoit dépenser environ 80 000 $ dans la « location de casiers temporaires », en plus d’environ 68 000 $ pour obtenir des véhicules supplémentaires entre le 25 novembre et le 21 décembre prochains. Quatre minibus, pouvant accueillir plus d’une vingtaine de passagers chacun, seront aussi loués par les forces de l’ordre.

Environ 50 000 $ iront aussi dans « l’installation et la désinstallation » d’un poste temporaire du SPVM au centre-ville, qui sera situé aux abords du Palais des congrès, lieu des nombreuses rencontres devant se tenir durant la COP15. À noter : des frais de 25 000 $ seront également engagés en raison de l’acquisition d’un drone spécialisé pour effectuer une surveillance aérienne constante.

Toutes ces dépenses excluent évidemment les autres coûts substantiels déjà engendrés par la COP15 pour le SPVM, notamment en matière de formation de ses employés, d’effectifs supplémentaires et de sécurité accrue au centre-ville.

Avec la collaboration de William Leclerc, La Presse