De plus en plus d’organismes communautaires craignent de ne plus être en mesure d’offrir leurs services au centre-ville, en raison de la hausse du prix des loyers, qui rend les locaux beaucoup trop chers pour eux.

Certains sont contraints de déménager, alors que d’autres doivent limiter leurs activités, parce qu’ils n’ont pas l’espace nécessaire. Ceux qui demeurent dans le secteur paient des loyers faramineux, qui sont lourds à assumer avec des budgets limités.

L’organisme d’aide aux personnes itinérantes Résilience Montréal, par exemple, paie 18 000 $ par mois pour louer, temporairement, le local d’un ancien restaurant au coin des rues Sainte-Catherine et Atwater, où son centre de jour offre des repas, des espaces de repos et des vêtements. L’endroit est très fréquenté par les sans-abri d’origine autochtone qui se tiennent au square Cabot, juste en face.

« Et je crois que ce loyer est un peu sous le prix du marché », explique David Chapman, directeur général de Résilience Montréal.

Futurs condos

Forcé de se trouver un nouveau local, l’organisme aurait voulu s’installer ailleurs autour du square Cabot, où se trouve sa clientèle. « Mais tous les terrains appartiennent à des entrepreneurs qui veulent construire des condos. On ne peut pas concurrencer ces entreprises qui peuvent payer des millions », déplore M. Chapman.

Résilience Montréal déménagera donc l’an prochain dans un nouvel édifice qu’il a acheté plus au sud, sur l’avenue Atwater, à 600 mètres du square Cabot.

David Chapman est convaincu que la clientèle visée fera le déplacement pour utiliser le nouveau refuge.

Mais cette situation illustre les difficultés vécues par les organismes communautaires qui ont pignon sur rue au centre-ville.

D’autres ont quitté le secteur ou s’apprêtent à le faire, parce qu’ils n’arrivent pas à payer leur loyer, selon Maryse Chapdelaine, chargée de projet à la Table de quartier Peter-McGill (ouest du centre-ville), qui a tenu une rencontre à ce sujet mardi.

C’est beaucoup trop cher, et il n’y a pas assez d’espaces pour offrir des services à la communauté.

Maryse Chapdelaine, chargée de projet à la Table de quartier Peter-McGill

Même si certains locaux commerciaux sont inoccupés, conséquence de la pandémie, « les propriétaires préfèrent les laisser vacants en espérant que des entreprises vont revenir au centre-ville, plutôt que de réduire le prix du loyer », ajoute-t-elle.

Un autre refuge pour sans-abri, La porte ouverte, a déménagé en 2019 sur le Plateau Mont-Royal, en raison de la fermeture de l’église anglicane St. Stephen, dans Westmount, où il logeait. Selon David Chapman, qui dirigeait alors l’organisme, le nouveau local est trop loin de l’ancien et les habitués de l’endroit n’ont pas suivi.

Déménagements et manque d’espace

Innovation Jeunes fait partie de ceux qui doivent offrir leurs services dans des locaux exigus et mal adaptés à leurs besoins. L’organisme a vécu deux déménagements depuis 2019.

Il a d’abord été chassé de son local de la rue Sainte-Catherine Ouest par une hausse de loyer de 40 %, pour se retrouver au sous-sol de l’église pentecôtiste Evangel, qu’il doit partager avec trois autres groupes.

En avril 2020, Innovation Jeunes a démarré une banque alimentaire, en pleine pandémie, qui s’est installée dans un autre local de l’église Evangel, rue Sainte-Catherine Ouest. Mais en mai 2022, l’église voulait récupérer les lieux.

La banque alimentaire, qui est depuis devenue un marché solidaire, a donc emménagé à l’église St. Jax, qui fait aussi office de centre communautaire, mais elle doit cette fois partager l’espace avec une douzaine de groupes.

On a peu de possibilités de faire croître nos programmes et nos services parce qu’on manque d’espace.

Christa Smith, coordonnatrice de l’organisme Innovation Jeunes

Par exemple, Innovation Jeunes offre le programme Connections, en anglais, à une douzaine de jeunes décrocheurs. Les participants peuvent y finir leur secondaire, ou encore faire des stages, du bénévolat ou trouver un travail à temps partiel, avec l’aide de conseillers en carrière.

« On aimerait augmenter nos cohortes ou avoir un groupe en français, mais c’est impossible actuellement d’accueillir plus de groupes », déplore Christa Smith, coordonnatrice de l’organisme Innovation Jeunes.

Marie Chapdelaine note que le déménagement du Y des femmes, prévu pour 2023 à l’Esplanade Cartier, près du pont Jacques-Cartier, créera aussi un vide dans le quartier.