Deux fois plus cher, deux fois plus long. Le garage d’autobus Bellechasse de la Société de transport de Montréal (STM) devrait dépasser le demi-milliard de dollars et n’être livré qu’à l’été 2024, a appris La Presse.

L’immense fosse creusée pour loger le bâtiment souterrain se révèle un puits sans fond pour le transporteur : le roc beaucoup moins solide que prévu et le prolongement du chantier forcent la tenue de travaux d’urgence pour stabiliser la structure temporaire. Le tout fait gonfler factures et délais. Le garage devait initialement coûter 254 millions et être terminé fin 2021.

« Ce n’est pas une situation qui est confortable comme directrice générale, je vous le dis », a affirmé Marie-Claude Léonard, directrice générale de la STM, vendredi, en entrevue avec La Presse. « On a un ordre de grandeur actuellement entre 525 millions et 600 millions pour finaliser le centre de transport Bellechasse. »

Quant à la livraison, « on est plus dans les eaux de l’été 2024 ». « La mise en service va se faire graduellement après l’été 2024 », a-t-elle ajouté.

PHOTO DOMINICK GRAVEL, LA PRESSE

Fin juin dernier, des pluies diluviennes ont révélé des faiblesses dans le sol et les structures installées en début de chantier pour le stabiliser.

Une fois inauguré, l’ouvrage devrait accueillir 200 autobus, notamment électriques, et remplacer le garage Saint-Denis.

Pour moi, l’important, c’est de dire qu’on fait tout, on gère des fonds publics et on les gère bien. On est capables d’expliquer pourquoi on est rendus à ces montants-là, et à travers ça, on tire des leçons pour s’améliorer.

Marie-Claude Léonard, directrice générale de la STM

La STM devra demander au conseil municipal de Montréal de réemprunter de l’argent pour payer les nouveaux coûts du projet. Le montant exact sera annoncé le mois prochain.

Travaux d’urgence

Le garage Bellechasse sera situé près de l’intersection du boulevard Saint-Laurent et de la rue de Bellechasse, dans Rosemont–La Petite-Patrie.

Fin juin dernier, des pluies diluviennes ont révélé des faiblesses dans le sol et les structures installées en début de chantier pour le stabiliser. Selon un rapport d’ingénieur commandé par la STM, de petits éboulis (des « affouillements ») se sont produits sur la façade du trou. Des commerces et des résidences se trouvent à proximité.

Dans une situation où « la vie des gens ou des équipements est en danger », la STM peut attribuer un contrat d’urgence, ce qu’elle a fait, a expliqué Mme Léonard. « Il y avait un sentiment d’urgence. » Un appel d’offres a été lancé afin de trouver un entrepreneur qui continuera à consolider le roc, mais on assure que le danger est écarté.

Un rapport d’ingénieur que La Presse a pu consulter décrit des « anomalies » et remet en question la durée de vie du « mur berlinois » – la structure installée sur le côté de la fosse pour éviter les éboulis. Celui-ci était conçu pour seulement deux ans : les retards du projet l’ont rendu désuet.

Ce n’était pas la première fois que la STM détectait des problèmes dans la qualité du roc qu’elle creusait.

Dès le début du projet, en 2020, « on s’est rendu compte qu’il y avait une portion de roc qui était de mauvaise qualité », a dit Mme Léonard. À mesure que les ouvriers ouvraient la fosse, « la situation évoluait dans le mauvais sens ».

« Les études de préfaisabilité n’ont pas été suffisamment détaillées et les analyses de roc qu’on a eues n’ont pas [prévu] les enjeux de roc qu’on a eus par la suite », a-t-elle dit. « On était censés avoir un roc solide. »

Inflation et pénurie de main-d’œuvre

En plus de ces imprévus, la STM donne d’autres explications pour l’explosion des coûts : le budget initial ne prévoyait pas un fonds pour imprévus assez gros, alors que la pénurie de main-d’œuvre et l’inflation actuelle ont brouillé les cartes.

À la STM, on aime tirer des leçons de nos apprentissages. Pour nous, il y a des leçons d’apprentissage en gestion de projet qui vont pouvoir être appliquées à d’autres niveaux, [notamment] de s’assurer que nos études de préfaisabilité soient suffisamment détaillées et exhaustives.

Marie-Claude Léonard, directrice générale de la STM

La patronne de la STM n’a pas voulu exclure la possibilité de poursuites envers les firmes qui ont produit les analyses de roc qui se sont révélées inexactes. « Il faut s’attendre à ce que la STM veuille aller chercher les sous qui lui reviennent si on est capables de démontrer qu’il y a eu faute et erreur dans ce cas-ci », a-t-elle dit.

Le garage Bellechasse devait d’abord être construit en surface, mais la STM a décidé d’en faire une structure souterraine fin 2018.

Une augmentation du budget de 254 millions à 370 millions avait déjà été annoncée en mai 2020.