Québec risque de laisser filer des milliards de dollars en financement fédéral s’il ne soumet pas rapidement des projets d’infrastructure à Ottawa, a appris La Presse.

Dans les derniers mois, le ministre fédéral de l’Infrastructure, Dominic LeBlanc, a rappelé au gouvernement Legault et à la mairesse de Montréal que l’actuel programme fédéral d’infrastructure cesserait bientôt d’accepter de nouveaux projets, selon un document obtenu grâce à la Loi sur l’accès à l’information.

Or, 2,7 milliards se trouvent encore dans l’enveloppe réservée à Québec, alors que la période d’admissibilité se clôt en mars prochain, après cinq ans d’ouverture. Les sommes non attribuées resteront dans les coffres d’Ottawa.

Négociée en 2018, la cagnotte réservée au Québec contenait 7,5 milliards. Il en reste donc plus du tiers à seulement cinq mois de la date de clôture.

Le ministre LeBlanc a « envoyé une lettre au Québec le 13 mai 2022 » afin d’inviter le gouvernement à « travailler ensemble afin de respecter la date butoir du 31 mars 2023 pour engager les 3,27 milliards de dollars restants dans son enveloppe », indique un document du Bureau du Conseil privé obtenu par La Presse. Le document est daté de juin dernier. Depuis, une somme supplémentaire d’environ 500 millions en projets a été acceptée par Ottawa, ce qui porte le solde de l’enveloppe à 2,7 milliards, selon nos informations.

C’est ce programme – baptisé Programme d’infrastructure Investir dans le Canada (PIIC) – qui financera notamment le prolongement de la ligne bleue à Montréal, la construction du tramway de Québec et le prolongement de l’autoroute 19 entre les autoroutes 440 à Laval et 640 à Bois-des-Filion. Le fédéral n’assume qu’une partie de la facture des projets, variant entre 33 % et 75 % selon leur nature.

PHOTO ERICK LABBÉ, ARCHIVES LE SOLEIL

La construction du tramway de Québec fait partie des projets qui seront admissibles au financement du Programme d’infrastructure Investir dans le Canada.

Ailleurs au pays, le PIIC finance la construction d’autoroutes, d’usines de traitement d’eau, de systèmes de transport en commun ou de voies ferrées.

Québec convaincu

Malgré l’imminence de l’échéance, Québec se dit persuadé de trouver suffisamment de projets pour vider la caisse, mais souligne que le gouvernement est actuellement en réorganisation dans la foulée de la nomination du Conseil des ministres.

« On a encore du temps devant nous », a réagi Thomas Verville, attaché de presse du nouveau ministre des Affaires intergouvernementales, Jean-François Roberge. « Le ministre Roberge et le ministre [responsable des Infrastructures Jonatan] Julien auront des discussions avec nos homologues fédéraux au cours des prochaines semaines. »

Du côté d’Ottawa, on se montre encourageant tout en réitérant la date d’échéance stricte.

« Nous avons demandé à tous les gouvernements provinciaux et territoriaux d’allouer la totalité des sommes restantes dans leurs enveloppes de financement respectives d’ici le 31 mars 2023 », a indiqué Jean-Sébastien Comeau, porte-parole du ministre Dominic LeBlanc.

Au cours des prochains mois, nous continuerons de travailler avec les provinces et territoires ayant encore des sommes à allouer afin de s’assurer que cette échéance soit rencontrée.

Jean-Sébastien Comeau, porte-parole du ministre de l’Infrastructure, Dominic LeBlanc

M. Comeau a tenu à souligner qu’« au cours des dernières années, ce sont des milliards de dollars qui ont été investis par nos deux gouvernements dans des projets d’infrastructure qui contribuent à bâtir une économie plus verte et des communautés plus résilientes ».

Un financement en berne pour Montréal

Les centres de traitement des matières organiques (compost) de Montréal sont parmi les projets financés par le PIIC. En 2018, Ottawa avait promis un financement de 67 millions pour couvrir le projet de construire cinq de ces centres sur l’île de Montréal.

PHOTO DOMINICK GRAVEL, ARCHIVES LA PRESSE

Aperçu du chantier d’une usine à compost à Saint-Laurent, paralysé en raison d’une mésentente contractuelle

Depuis, le projet a été revu à la baisse : Montréal fait actuellement construire une usine à compost à Saint-Laurent, ainsi qu’une usine de biométhanisation à Montréal-Est. Ottawa voulait parallèlement réduire sa contribution de moitié, mais la Ville de Montréal ainsi que Québec espéraient conserver l’entièreté du chèque fédéral malgré la réduction du projet.

Le document fédéral obtenu par La Presse grâce à la Loi sur l’accès aux documents vient donner le coup de grâce à ces prétentions.

« J’ai le regret de vous informer que le gouvernement du Canada a pris une décision dans le cadre du budget 2022 », indiquent les fonctionnaires du Conseil privé comme « message suggéré » à passer par M. LeBlanc à Valérie Plante. Le ministre lui suggère de communiquer avec le gouvernement provincial pour faire inscrire de nouveaux projets au PIIC.

– Avec William Leclerc, La Presse