Pour éviter d’autres aberrations, comme les deux immeubles de 9 et 13 étages qui encadrent maintenant l’arche d’entrée du Quartier chinois, au coin de l’avenue Viger et du boulevard Saint-Laurent, la Ville de Montréal doit aller de l’avant avec son règlement pour réduire les hauteurs permises dans le cœur de ce quartier patrimonial

C’est l’une des recommandations de l’Office de consultation publique de Montréal (OCPM), qui vient de déposer son rapport, après avoir entendu des citoyens et organismes préoccupés par l’avenir du Quartier chinois.

Lors des consultations, « plusieurs ont déploré la construction des deux bâtiments situés de part et d’autre de l’arche d’entrée du quartier », note l’OCPM, qui cite une citoyenne dénonçant le fait que ces deux édifices « contribuent à l’effacement du Quartier chinois ».

« Côté ouest, la construction du One Viger, une tour d’habitation de neuf étages, remplacera sous peu l’édifice Robillard, un bâtiment patrimonial détruit par un incendie en 2016, tandis que du côté est, on déplore la construction d’un hôtel de 13 étages », rappelle l’OCPM.

« Ces deux édifices sont en rupture avec leur environnement de par leur taille et leur architecture. En dépassant largement en hauteur le cadre bâti actuel, ils affectent négativement l’expérience des piétons où on devrait plutôt favoriser “un environnement urbain à l’échelle humaine”. »

On souligne aussi que des condos de petite taille et un hôtel ne répondent pas aux besoins de la communauté en matière de logement et de lieu de rencontre socioculturelle.

Impossible aujourd’hui

« Ça ne serait plus possible aujourd’hui de permettre ce genre de construction », assure Robert Beaudry, conseiller municipal de ce secteur et responsable de l’urbanisme au comité exécutif.

PHOTO MARCO CAMPANOZZI, LA PRESSE

Le nouveau règlement prévoit des hauteurs maximales entre 25 mètres (environ six étages) et 35 mètres, et jusqu’à 65 mètres dans la partie ouest du quartier.

En effet, la Ville de Montréal a annoncé en janvier dernier la modification du plan d’urbanisme afin de préserver les caractéristiques du Quartier chinois et de mieux protéger les bâtiments et le patrimoine de l’ancien faubourg. Ces modifications prévoient notamment la diminution des hauteurs maximales permises, l’agrandissement du territoire qui compose le Quartier chinois, l’identification des secteurs de valeur patrimoniale et de nouvelles règles en matière d’archéologie lors de nouvelles constructions.

Le nouveau règlement prévoit des hauteurs maximales entre 25 mètres (environ six étages) et 35 mètres, et jusqu’à 65 mètres dans la partie ouest du quartier. Un règlement de contrôle intérimaire permet l’application de ces règles avant même que les modifications au plan d’urbanisme soient officiellement entérinées.

L’OCPM recommande à la Ville de Montréal d’aller de l’avant avec la modification de son plan d’urbanisme. Mais il suggère d’étudier « la possibilité d’abaisser davantage les hauteurs et densités maximales permises dans le cœur du Quartier chinois afin de préserver le cadre bâti existant ».

Design sino-asiatique

Il demande aussi aux autorités municipales d’ajouter des critères de design à respecter lors de travaux de construction pour préserver et mettre en valeur les éléments visuels sino-asiatiques.

Cependant, « le patrimoine bâti n’est pas le seul élément menacé dans le Quartier chinois », note le rapport. « Pour éviter de créer une sorte de musée à ciel ouvert, la protection du patrimoine bâti doit être accompagnée d’autres mesures permettant au Quartier chinois de demeurer un milieu de vie complet et animé. »

« Il reste encore du travail à faire », souligne Jonathan Cha, membre de la Table sectorielle pour le Quartier chinois, qui souligne que plusieurs s’inquiètent encore des pressions immobilières qui pèsent sur le secteur.

« Il y a encore plusieurs terrains vacants, et il faut voir comment ils seront utilisés pour répondre aux besoins et préserver le patrimoine du Quartier chinois, mais aussi le développer, » dit-il.

En janvier dernier, le ministère de la Culture a annoncé un avis d’intention de classer comme biens patrimoniaux le secteur central du Quartier ainsi que deux bâtiments spécifiques (l’édifice de la British and Canadian School et l’ancienne manufacture S. Davis and Sons).

Cet avis d’intention a eu un effet immédiat pour protéger ces lieux.