Plus que jamais, la Communauté métropolitaine de Montréal (CMM) veut implanter une taxe kilométrique, un projet qui fait l’objet de débats depuis dix ans. L’organisme annoncera ce jeudi le lancement d’une étude de faisabilité devant être publiée l’été prochain, en se basant sur l’exemple de Bruxelles pour développer une plateforme de gestion.

« On n’est plus du tout à l’étape de réfléchir à l’opportunité de faire des choses. Il faut bouger maintenant. Il y a urgence d’agir », lance le chef d’équipe en transport métropolitain de la CMM, Michel Auclair, en entrevue avec La Presse. Il faisait ainsi référence aux hausses de congestion attendues dans le Grand Montréal, en lien avec les fermetures de taille attendues dans le tunnel Louis-Hippolyte-La Fontaine.

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Son groupe rappelle que 43 % des gaz à effet de serre (GES) émis au Québec proviennent des transports, en majorité le transport de personnes.

Il faut absolument favoriser le transfert vers le transport collectif, mais pour ça, on a besoin de services et d’un financement adéquat, donc de nouveaux fonds. La taxe kilométrique est un des outils pour y arriver.

Michel Auclair, chef d’équipe en transport métropolitain de la CMM

« Avec l’essor de l’électrification du parc automobile, les municipalités doivent se préparer en vue d’une diminution des revenus de la taxe sur l’essence dans les prochaines années », a de son côté plaidé la mairesse Valérie Plante, aussi présidente de la Communauté métropolitaine.

Depuis 2017, le produit des taxes sur l’essence baisse en effet d’environ 0,6 % par année.

Un appel d’offres d’ici deux semaines

Dès le 4 novembre prochain, la CMM lancera un appel d’offres afin de trouver un « consultant » chargé de réaliser une étude de faisabilité visant l’implantation d’un système de taxation kilométrique. L’étude sera ensuite lancée en janvier, pour se terminer au mois d’août 2023, avec une proposition de modèle technologique, de structure de gestion, mais aussi de calcul des impacts économiques.

« Ce qu’on veut, c’est avoir un système qu’on pourrait implanter dans deux semaines, même si on sait bien qu’on ne pourra pas implanter ça demain matin. La balle sera surtout dans le camp du gouvernement pour la suite. Cette étude, on espère, favorisera l’émergence d’un consensus », illustre encore le responsable.

À la mi-octobre, le Journal de Montréal a révélé que le ministère des Transports du Québec (MTQ) étudiait aussi divers scénarios de nouvelles taxes qui viseraient les automobilistes.

L’idée d’une taxe kilométrique a aussi été évoquée au gouvernement, mais en est encore à un stade très préliminaire. Le ministre sortant des Transports, François Bonnardel, a promis que ces taxes ne verraient pas le jour au cours du mandat qui s’amorce.

Au cabinet de M. Bonnardel, on demeure d’ailleurs très prudent devant la question de savoir si une taxe kilométrique pourrait être dans les plans. « Le ministre a été clair la semaine dernière : il n’est pas question d’augmenter le fardeau fiscal des Québécois », rétorque simplement son attachée de presse, Claudia Loupret.

S’inspirer de Bruxelles

Le mandat qui sera confié par la CMM s’inspire notamment de SmartMove, une application intelligente qui calcule le temps et la durée du parcours de chaque automobiliste à Bruxelles, en Belgique, pour ensuite le tarifer. L’organisme, mis sur pied dans les derniers mois, espère ainsi « résoudre les problèmes d’embouteillage à Bruxelles » et favoriser l’usage du transport collectif.

Concrètement, l’usager lance l’application en démarrant un trajet en automobile. On lui suggère d’emblée d’utiliser d’autres moyens de transport, mais s’il désire tout de même rouler en véhicule, alors le compteur démarre. Un système de caméras permet aux autorités d’effectuer des vérifications aléatoires par plaques d’immatriculation, afin de déterminer si un usager a déclenché l’application. Des amendes peuvent s’appliquer dans le cas contraire.

On peut apprendre beaucoup de Bruxelles. Il y a dix ans, quand on a commencé à parler de taxe kilométrique, la technologie n’était pas à point. Les coûts technologiques étaient élevés. Ce n’est plus le cas maintenant.

Richard Bérubé, conseiller en développement social à la CMM

Ce dernier soutient que « la grande question aujourd’hui, ce n’est pas tant la technologie que l’acceptabilité sociale ». « Mais pour discuter d’acceptabilité, il faut décortiquer le problème de comportement. Les gens ne savent pas réellement ce que ça coûte à la société, un déplacement automobile, contrairement au transport collectif », soutient M. Bérubé.

« Si on avait la même visibilité pour le réseau routier que le transport collectif sur les coûts, bref si on savait à quel point les automobilistes sont subventionnés pour réaliser leur parcours, peut-être que le discours changerait », évoque aussi en ce sens Michel Auclair.

À ce jour, la CMM refuse de dire combien pourrait coûter sa future taxe kilométrique à chaque automobiliste, mais Michel Auclair assure que l’objectif n’est pas « d’étrangler les automobilistes », seulement de les inciter à changer leurs habitudes. Deux scénarios géographiques sont néanmoins retenus : le premier inclurait tout son territoire, en plus de Saint-Jérôme, et le second appliquerait aussi la taxe aux municipalités « périmétropolitaines », situées à proximité du Grand Montréal.