Vous roulez en auto entre Montréal et la Rive-Sud ? Armez-vous de beaucoup de patience : l’achalandage sur les ponts Jacques-Cartier et Samuel-De Champlain est déjà plus élevé qu’avant la pandémie, confirment des données obtenues par La Presse. Et le début du mégachantier du tunnel Louis-Hippolyte-La Fontaine, à la fin du mois, provoquera encore plus de congestion, affirment des experts.

« En juillet, on était à 98 % du niveau d’avant la pandémie sur le pont Jacques-Cartier. Puis, en septembre, c’était 105 %, alors qu’en janvier, c’était plutôt 65 %. Maintenant, est-ce qu’on pourrait même dépasser la capacité de l’ouvrage ? Ça dépendra de la congestion. Mais c’est certain qu’on s’attend à plus de trafic », explique la porte-parole des Ponts Jacques Cartier et Champlain, Nathalie Lessard.

Ça va être un effet cascade phénoménal. […] En ce moment, le pont Jacques-Cartier frappe des points de saturation à certains moments de l’année, lors d’accidents ou d’évènements. Là, ça va devenir généralisé.

Pierre Barrieau, expert en planification des transports à l’Université de Montréal

Selon lui, « on s’en va vraiment vers un chaos complet qui remet en question le retour du centre-ville post-pandémie ». « Les navetteurs vont utiliser tout ça comme argument pour travailler plus de la maison », persiste M. Barrieau, selon qui aucune mesure d’atténuation ne pourra réellement inverser la tendance.

PHOTO FRANÇOIS ROY, LA PRESSE

L’achalandage sur le pont Samuel-De Champlain (notre photo) a atteint, en septembre, 121 % de son niveau prépandémique.

Sur le nouveau pont Samuel-De Champlain, le même principe s’observe. Alors qu’à l’automne 2019, on y recensait environ 120 000 véhicules par jour, on en comptait 145 000 en septembre, soit 121 % du niveau prépandémique, confirme le directeur des opérations du Groupe Signature sur le Saint-Laurent (GSSL), Martin Chamberland. Sans surprise, en avril 2020, l’achalandage avait chuté à 54 000 passages par jour durant les premières semaines de la pandémie. Graduellement, la moyenne a remonté jusqu’à 130 000 passages quotidiens à compter du mois de janvier 2022, qui s’est prolongée jusqu’en avril 2022.

Des hausses à prévoir

Les deux sociétés conviennent que ces chiffres devraient « augmenter » encore davantage, quand Québec fermera, dès le lundi 31 octobre, trois des six voies du tunnel jusqu’à la fin de 2025. Les automobilistes devront composer avec des entraves majeures dès le 21 octobre, avec une fermeture complète en direction nord, puis, le week-end suivant, une fermeture complète en direction sud. Diverses fermetures auront aussi lieu durant la semaine du 24 octobre.

Non seulement le pont Jacques-Cartier sera « congestionné », mais en plus les approches vers Montréal et Longueuil risquent de l’être également, ajoute Mme Lessard. « On va être très réactifs. Et évidemment, la présence de la Sûreté du Québec va être accrue durant les premières semaines, question d’évaluer comment ça se passe », soutient-elle. Son groupe s’attend aussi à « plus d’accrochages » et bonifiera ses contrats de remorquage pour pouvoir libérer les voies rapidement, surtout pendant les heures de pointe.

Les statistiques d’achalandage des transports en commun ne sont pas revenues à leur niveau de 2019, ce qui pourrait signifier que les usagers n’ont pas repris leurs habitudes de mobilité.

Martin Chamberland, directeur des opérations du Groupe Signature sur le Saint-Laurent (GSSL)

Par ailleurs, M. Chamberland note un achalandage « plus élevé les mardis, mercredis et jeudis » sur le pont Samuel-De Champlain. « Nous observons également que l’intensité des pointes est moins élevée et que l’achalandage est mieux réparti sur l’ensemble de la journée », nuance-t-il, sur une note plus optimiste.

« Chaos » en vue

Même le pont Victoria, où la circulation est toujours limitée sur une voie en raison de travaux, doit s’attendre à voir une hausse de son achalandage, quoique plus légère, prévoit l’expert en planification des transports à l’Université de Montréal Pierre Barrieau. Le Canadien National, qui gère le pont, se dit « conscient des enjeux de circulation que les travaux au tunnel Louis-Hippolyte-La Fontaine pourront causer », et assure participer « activement » aux travaux afin « d’atténuer la congestion routière ».

Florence Junca-Adenot, professeure au département d’études urbaines et touristiques de l’Université du Québec à Montréal (UQAM), s’attend aussi à un rabattement important sur le nouveau pont Samuel-De Champlain, surtout en matière de camionnage. « On ne peut pas penser à déplacer le flot de camions vers Jacques-Cartier. De toute façon, les camionneurs ne le prendraient pas, parce que ça les amène en plein centre-ville », note-t-elle.

« Il faut vraiment s’attaquer à convaincre les usagers de l’auto solo, surtout ceux qui prenaient le pont-tunnel, de lâcher ce modèle. On devrait avoir en ce moment une vraie campagne d’explication, de promotion. Quelque chose de beaucoup plus fort », lance Mme Junca-Adenot.

Quels impacts pour Longueuil ?

Au cabinet de la mairesse de Longueuil, Catherine Fournier, on admet aussi que « des répercussions importantes sont à prévoir en ce qui a trait à la congestion autour du pont Jacques-Cartier ». Contrairement à Montréal, rappelle toutefois l’attachée de presse Camille Desrosiers-Laferrière, « les principales voies d’accès au pont se font par le réseau supérieur, soit par le boulevard Taschereau en provenance de la route 116 ou de la route 132, dont la configuration est autoroutière, limitant les conséquences sur le réseau local ».

Le Réseau de transport de Longueuil (RTL) prévoit néanmoins « la bonification de plusieurs de ses lignes d’autobus pour répondre à la demande », enchaîne Mme Desrosiers-Laferrière.

Mardi, l’élue responsable de la mobilité au comité exécutif montréalais, Sophie Mauzerolle, assurait que plusieurs options pourraient être envisagées, en fonction de la gravité de la situation.

Chez exo, la société qui gère de nombreux circuits locaux sur la Rive-Sud et qui exploite les trains de banlieue, on se prépare aussi à s’adapter. Selon nos informations, l’option de bonifier les passages sur la ligne de train de Mont-Saint-Hilaire est actuellement à l’étude.

Sinon, des horaires devraient être « ajustés » sur certains circuits d’autobus, notamment à Sainte-Julie, afin de « faciliter les transferts entre le réseau local et les lignes 520 et 521 », qui font partie des mesures d’atténuation du ministère des Transports sur l’autoroute 20. Les parcours seront ainsi « synchronisés », affirme le porte-parole, Jean-Maxime St-Hilaire. « Des mesures préférentielles pour autobus déjà en place rendront également les déplacements en autobus plus simples. Parmi celles-ci, on note l’utilisation de l’accotement sur la route 116 et l’autoroute 30, ainsi que les voies réservées sur l’autoroute 20 et la route 132 », conclut-il.

En savoir plus
  • 72 000
    Nombre d’automobilistes qui devraient changer leurs habitudes pour que les mesures d’atténuation du gouvernement Legault fonctionnent. Cela représente 60 % des 120 000 usagers qui empruntaient quotidiennement le tunnel jusqu’ici.
    source : consortium Renouveau La fontaine
    2400
    Nombre de places qui seront disponibles dans les stationnements incitatifs De Mortagne, De Touraine et Belœil. Les circuits d’autobus qui partent de ces stationnements deviendront gratuits, et culmineront vers le métro Radisson, avec une fréquence toutes les 10 minutes.
    source : ministère des transports du québec
  • 13 %
    Proportion de camions qui empruntent quotidiennement le tunnel, ce qui représente environ 15 600 poids lourds au quotidien.
    source : ministère des transports du québec
    900 millions
    C’est l’ordre de grandeur des dépassements de coûts qui seront engendrés par les travaux dans le tunnel. La réfection majeure de l’infrastructure a commencé en juillet 2020, mais celle-ci s’est révélée beaucoup plus détériorée que prévu. La voûte aurait notamment 60 % plus de dommages.
    source : ministère des transports du québec